Ce dimanche on a beaucoup parlé de la violence sur les femmes. Après un viol le corps de la femme se sent souillé, sali ! Et quand il porte l'enfant surgit l'angoisse de la naissance ! L'enfant du viol ! Combien de femmes porteront longtemps l'ombre de cette présence qu'elles n'avaient pas la force de supporter.
A toutes les femmes victimes, aux enfants morts avant que d'être nés !
Tu
porterais dix ans mon ange
Si je t’avais laissé la vie
Je
t’aurais vu sortir étrange
Comme
un roseau d’une eau croupie.
Tu
m’aurais appelée maman
Au
fil de tes lèvres candides
Innocemment
comme un enfant
Pour
inonder mon cœur aride
Qui
sait, tu aurais eu ses yeux
Pour
me rappeler son image
Mais n’aurais pu voir en ce bleu
Que
les rivages d’un ravage
Tu
porterais dix ans mon cœur
Si je t’avais donné la vie
Comme
arrachée de la noirceur
D’un
ventre mort sous tant de nuits.
Je
t’aurais pris tout contre moi
Sans
rien montrer de mes sanglots
Dans la tendresse d’un émoi
Surgi
du plus profond des eaux.
Et
chaque date anniversaire
Aurait
porté la cicatrice
De
cette plaie à ciel ouvert
De
cet immonde maléfice.
On
aurait parlé de ton père
Un
jour, oui, on aurait parlé
En
fond de brume mensongère
Sur
les ravines du passé.
Je
t’aurais dit : il est parti
Au
jardin de l’éternité
Mais
le miroir des agonies
Aurait
terni d’opacité.
J’aurais
porté lourd comme un deuil
La
femme en moi morte à jamais
Et ton
sourire en mon cercueil
Le
triste éclat des fleurs séchées.
J’aurais
croisé des paysages
Dans
les replis de ma torpeur
En
ces moments, mon enfant sage
Tu
m’aurais dit : pourquoi tu pleures ?
J’aurais
caché ma déchirure
Dans tes
menottes délicates
Tirant
des lignes d’écriture
L’espoir
d’automnes écarlates.
Puis
dans les creux de solitude
Loin
de tes rêves d’écolier
Les
démons noirs de turpitude
Auraient
nourri des feux damnés.
Tu
porterais dix ans mon cœur
Si je t’avais laissé la vie
Pour
exorciser la terreur
Et tous
ces dégoûts infinis
Pour
surmonter la violence
D’un
volcan fou de salissures
Pour
me lover dans ta présence
En
tendres câlins qui rassurent.
Mais
tant de forces m’ont manqué
La
Terre ne t’a pas attendu
Et
m’a crié d’abandonner
Ta
destinée au chant des nues.
J’aurais
dans chacun de tes pas
Tressé
l’écharpe de la honte
Et ma
voix nouée de trépas
Des
fées aurait noyé les contes.
Tu
aurais dix ans ma tristesse
Si je
t’avais donné le jour
Si de
mon verger d’allégresse
Avait
mûri le fruit d’amour…
Si du
jardin de ma jeunesse
Avait
grandi le fruit d’amour !