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vendredi 11 février 2011

L'ESPOIR DELIVRE (EGYPTIENNE)...


Sûr qu’il a joué la montre le vieux soldat ! Pathétique il le fut jusqu’au bout ! Les prolongations ont duré une bonne semaine !

Et pourtant les cartons jaunes n’ont cessé de lui être adressés par un peuple arbitral exténué mais dont l’exaspération se colorait de folie jubilatoire sur cette gigantesque agora qu’est devenue la place Tahrir, au Caire.

Le vieux pharaon s’est raclé la gorge dans un discours surréaliste en ce 10 février ; ce sont les pires amygdales qu’il n’ait jamais connues !

- Je sais que je vous écœure, a lancé le vieux Hosni, mais je proclame mon intention de me maintenir au pouvoir pendant au moins encore, heu, deux semaines. Heu, non, trois semaines. Finalement je pourrai vous aider jusqu’au mois de septembre, le mois le plus tendre, où l’on peut s’étendre sur des nouvelles élections présidentielles. Rassurez-vous, je ne me représenterai pas ! Mais, je vous ai compris !! Je vais ouvrir une enquête sur les assassins de mes opposants !! Il n’est pas possible que des tels repris de justice soient libérés sans que le juge d’application des peines n’ait été consulté ! Je dis qu’il y a faute ! Et qu’elle sera sanctionnée !!

Le petit Nicolas a immédiatement téléphoné au Rais pour demander les droits d’auteur. En attendant le peuple échauffé comme pas deux fustigeait le Sphinx pathétique en brandissant des babouches, souliers vernis ou pitoyablement éculés, pantoufles nauséabondes sans crainte que les chars en taisent leur ineffable poids symbolique plombé d’insultes.

Il faut dire que l’armée soutient le peuple depuis le début de l’insurrection ! Des gradés ont bien saisi que se dégradait la santé mentale du Rais et que le régime allait tomber comme un fruit mûr !

Des pères qui avaient passé leur vie à servir dans l'armée égyptienne ont dit à leurs fils de désobéir :

- Ne tirez pas sur le peuple !

Le général Hassan Al-Rawani a même déclaré à la foule immense :

- Tout ce que vous voulez va se réaliser – toutes vos exigences vont être satisfaites ! L’armée qui mate mute ; elle devient docile, soyez-en assurés : tout est possible, tout est réalisable !!

Les gens heureux ont alors répliqué :

- L'armée et le peuple sont ensemble – l'armée et le peuple sont unis. L'armée et le peuple sont deux doigts d'une même main !

C’était beau comme dans les romans d’Andrée Chédid, la grande romancière née au Caire, mère de Louis Chédid et grand-mère de Matthieu (M), qui vient de nous quitter ce 6 février à Paris.
Et on reprend espoir. Le vieux Moubarak n’en a plus pour très longtemps.

Ce vendredi 11 février tout le Caire investit les rues. La place Tahrir est noire de monde. La source est féconde et ne va pas sur place tarir en opposition avec ce qu’espère encore le vieux Rais.

La pression devient trop forte. Vox populi, vox dei, comme dirait l'autre...

A 17 h 05, Omar Souleimane, le vice-président égyptien, annonce dans une courte allocution à la télévision qu'Hosni Moubarak a quitté le pouvoir. Il précise qu'il l'a confié à l'armée !!

- Moi Omar je vous le dis : vous croulerez bientôt sous les mannes ! Vous ne serez plus pauvre !
Une explosion de joie ébranle alors toutes les artères du Caire. La secousse sismique se propage jusqu’au lieu des pyramides où, dans une chambre funéraire encore secrète à l’archéologie, une momie vient de se retourner dans ses bandelettes !!

C’est une liesse indescriptible :

- On a gagné, on a gagné ! On a fait tomber le régime !

Une cariote obèse ayant laissé tomber le sien se met à entamer une danse du ventre sous l’œil lubrique d’un octogénaire édenté au keffieh effilé.

On chante, on danse, on klaxonne, on brandit les drapeaux nationaux, on fait la bise au chef de tank, on jubile. C’est la liesse après la laisse, l’euphorie après le faux Rais.

Mais après la fête attention à la gueule de bois !!

Qui guidera le pays ??

Un chef charismatique issu de l’armée ? Un comité de salut public, subtil panache de militaires, de démocrates et de frères musulmans ?
Tout se joue maintenant, pour le meilleur comme pour le pire, dans cette région trouble qui cherche, depuis des lustres, un chemin vers la Paix. Paix que Moubarak avait su préserver avec l’aide des Américains… Enfin, c’est ce qu’on dit !!

L’économie mondiale retient aussi son souffle : il ne faudrait pas qu’on nous rejoue le film de la guerre des six jours (juin 1967) ! A la suite de cette malheureuse affaire le canal de Suez avait été fermé et cette mesure avait contraint les flottes commerciales à contourner le continent Africain au prix d’un doublement des frais de transport !!

Mais j’imagine que dans sa première retraite de dictateur déchu, à Charm-el-Cheik, Hosni ne se préoccupe guère de ce genre de considération…

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