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vendredi 25 septembre 2020

ET PLEURE ST GERMAIN-DES-PRES


Juliette Greco est née le 7 février 1927 à Montpellier, d’une mère bordelaise et d’un père d’origine corse, Gérard Greco, dit GG pour les intimes mais qui ne fut guère héros dans l’Hérault car il abandonna sa famille. Aussi, la petite Juliette est-elle élevée avec sa sœur Charlotte à Bordeaux par ses grands-parents maternels avant que leur mère ne les rejoigne en 1933 pour les emmener dans la capitale. Tu la rappelles Hérault mais haut est Juliette, haut, dans ses rêves parisiens…

Là, attirée par la danse, elle devient petit rat à l’Opéra Garnier, petit rat se faufilant entre chats. Mais la guerre éclate et comme la mère fait de la résistance, les deux sœurs sont vite impliquées ! Aussi, Juliette aura-t-elle le malheur de connaître la gestapo et la prison de Fresnes. Sa mère et sa sœur ainée seront, elles, déportées à Ravensbrück d’où elles reviendront, miraculeusement.

Dans ces années 50, de reconstruction, Juliette se retrouve à St Germain-des-Prés, lieu foisonnant d’artistes d’âme rive-gauche, mais loin d’être maladroite. C’est dans ce bouillon de culture qu’elle tisse des liens : Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Camus…

En 1949, alors que les trente glorieuses fait la part belle aux banquiers et que s'ingèrent mains des prêts, elle joue dans Orphée de Jean Cocteau, lequel (ironie du sort) écrivit « le mythe du Greco » en 1943, en hommage au grand peintre !

En 1951, elle enregistre son premier album, Je suis comme je suis, de Prévert et Kosma. L'auditeur, lui, dira : Je la suis, comme je la suis, depuis le début, avec avidité !

Au milieu des années cinquante, elle chante Aznavour, Trenet et Brel dont le pianiste, un certain Gérard Jouannest, sera son compagnon de la dernière route.

Auparavant, la dame brune, jolie môme, aura connu un impossible amour avec Michel Piccoli, et la maternité avec Philippe Lemaire, une figure du cinéma de cape et d’épée (2kpdp). En 1957, elle se rend à Hollywood pour y interpréter quelques rôles pour des réalisateurs prestigieux tels que John Huston « les racines du Ciel » avec Errol Flynn, ou Richard Fleischer « Drame dans un miroir », film de 1960 où elle rencontre, ni plus ni moins, Orson Welles !

Puis, de retour à Paris, elle enregistre « jolie môme » une chanson de Léo Ferré. Mais, surtout, elle interprète une dizaine de chansons de Serge Gainsbourg, dont la Javanaise en 1963. Gainsbourg dira :

Cette Javanaise, qui fut si incomprise parce que j'y parle javanais, je l'ai écrite pour Juliette Gréco et je lui ai donnée aussitôt son retour des Amériques (sic). Je pense être un auteur privilégié puisqu'elle m'a chanté et je pense qu'il n'y a pas un auteur digne de ce nom ou au moins ayant un tant soit peu de tenue littéraire qui n'ait souhaité écrire pour elle.

En 1965, son rôle dans la série Belphégor fait grimper sa popularité. La France de l’ORTF découvre la chanteuse en fantôme masqué et hantant les couloirs du Musée du Louvres, d’avant la pyramide ! Ca fait faire peur mais sans jamais donné dans le sanguinolent (d'ailleurs, en noir et blanc, le sanguinolent, hein ?). En aucun cas la belle fait gore !

En 1968, elle inaugure la formule des concerts de 18 h 30 au théâtre de la Ville à Paris. Elle y interprète l'une de ses plus célèbres chansons que n’aurait pu imaginer Charlélie Couture «Déshabillez-moi », tube, qui depuis, n’a jamais pris une veste.

En 1982 sort Jujube, son autobiographie, ainsi qu'un nouvel album. Elle s'éclipse ensuite pendant quelques années et revient au début des années 90 avec deux albums. En retrouve son public de l’Olympia en 1991 !

En 2004 sort « Aimez-vous les uns les autres ou bien 10 x éc..heu, disparaissez ! », album sur lequel travaillent notamment Benjamin Biolay, Art Mengo, Bernard Lavilliers et Christophe Miossec. L’accueil de ce dernier album lui confirme l’indécrottable fidélité de son public et cette faculté de se fondre dans toutes les générations !

Elle sort « Le Temps d’une chanson en 2006 », album réalisé à New-York avec de vrais jazzmen.

Début 2015, elle annonce une ultime tournée qui débutera fin avril 2015 :

 - J'ai 88 ans, et je n'ai pas envie de monter sur scène en boîtant. C'est une question de courtoisie, de dignité. [...] Je veux partir debout. Je ne voudrais pas faire pitié. J'ai horreur de ça !

Ce 23 septembre 2020 s’en est allée la muse de St Germain des Prés. Il n’y a, désormais, plus d’après à la silhouette de la belle dame en noir et blanc, à la voix mystérieuse, aux cristallines aspérités masculines, aux mains frétillant de volubilité, au regard noyé de malices et d’étrangeté !

 Il n’y a plus d’après à la jolie môme !

Une page s’est fermée ; notre vie sous masque a l’rimmel qui fout l’camp, et l’âme des amants est toute nue sous le pull de laine rêche dans l’automne abandonné..


mardi 22 septembre 2020

IL ETAIE UNE FOI, UN GRAND COMEDIEN...

 


Michael est né à Paris, en 1931, d’un père anglais, d’Edward Lonsdale-Crouch et d’une mère française, Simone Béraud.  Il passe une partie de son enfance à Londres avant que sa famille ne s’installe au Maroc en 1939. Son père y est négociant en engrais ; l’anglais, en gros, file pour l’engrais anglophile. C’est dans ce beau pays du Maghreb que futur acteur anime, dès 1943, des émissions enfantines sur Radio-Maroc dont la plus connue « la case à Blanca » rabat les suffrages. Son tout premier rôle, radiophonique, est Atchoum, un des sept nains ; un avant-goût de sa recherche mystique : éther, nuées…

En 1947, après la guerre, il vit en France et rencontre Roger Blin, acteur mais aussi grand metteur en scène des pièces de Beckett. Roger lui fait découvrir le théâtre et les planches ne tarderont pas à vibrer sous la voix chaude et voluptueuse de ce néophyte qui picore ça et là des pousses d’alexandrins et becquette.

On le voit dans, en 1955,  dans « Pour le meilleur et pour le pire » mis en scène par Raymond Roulleau, bien loin d’y être au bout tant il est passionné. L’année suivante, Michel démarre sa carrière au cinéma dans « C’est arrivé à Aden (1956) de Michel Boisrond, un meneur d’homme assez carré.

L’acteur s’illustre rapidement devant la caméra de cinéastes prometteurs comme Gérard Oury (La Main chaude 1960, Le crime ne paie pas 1962 – un film à sketches     ) ou Michel Deville (Adorable Menteuse - 1961). Mais c’est avec Jean-Pierre Mocky que la relation semble la plus forte. Sous la direction de JPM, il jouera 8 films dont « Snobs » 1962, « la grande lessive » 1968, avec Bourvil. C’est un film mené tambour battant dans lequel son prénom rétrécit au lavage du générique : il y figure en tant que Michel !

Le petit écran ne l’oublie pas, qui lui fait tourner dans des courts métrages comme « Escale Obligatoire » de Jean Prat, en 1962. De théâtres en écrans il multiplie les projets et impose son aura charismatique dans des films d’auteurs comme « La mariée était en noir (1967) et Baisers volés (1968) de François Truffaut ou encore British Sounds (1969) de Jean-Luc Godard montrant ainsi son intérêt pour la nouvelle vague où l’onde hale le navire de la modernité.

Mais, pour montrer son éclectisme, le comédien s’investit avec le même bonheur dans des œuvres populaires : « Hibernatus » (1969) de Molinaro où il donne la réplique à De Funès, ou encore « Le bon roi Dagobert « (1984) de Dino Risi où, en tant que St Eloi, il croise Coluche (le roi fainéant).

Il crée même la surprise en jouant un rôle de méchant dans un James Bond de 1979 « Moonraker ». Il incarne Sir Hugo Drax qui, sur fond de navette spatiale, donne du fil à retordre à l’agent de sa gracieuse majesté (Roger Moore). Mais 007, une fois encore, gagnera et fera mieux que Drax taire (si vous motorisez ce calembour) : il l’enverra dans l’espace.

Le jeu de l’acteur se caractérise, à chaque fois, par une distanciation (bien avant la Covid) avec le personnage qu’il incarne. On y trouve toute une palette de couleurs : ironie, tendresse, réflexion, introspection… Selon ses humeurs ou les volontés du metteur en scène, l’homme est capable de passer d’une voix suave, voire sirupeuse à l’explosion volcanique mais jamais létale car jamais lave-haine tuera (oui, bon, si on ne peut plus placer un tube de Stone et Charden !)

Il passe allégrement de l’ange au diable et cette dimension manichéenne touche au mystique. L’acteur se sent de plus en plus à l’aise dans les rôles ecclésiastiques, tout imprégné qu’il est d’une foi chrétienne. On le voit jouer un abbé bibliophile dans « le nom de la rose », 1986, de Jean-Jacques Annaud (d’après l’œuvre de Umberto Eco) et surtout il est consacré pour l’interprétation du frère Luc Dochier dans « des hommes et des dieux » , 2010, de Xavier Beauvois. Un film qui évoque l’assassinat des moines de Tibéhirine et qui lui vaudra, enfin, un César, celui du meilleur acteur de second rôle.

Michael, vivra de sa foi jusqu’à son dernier souffle. Il deviendra, ainsi, un acteur à part dans le 7ème art. Jamais totalement avalé par le showbizz, il demeurera une sorte de moine comédien, célibataire car la seule femme de sa vie, une certaine Delphine Seyrig, avec qui il joua souvent (« Baisers volés » -Truffaut, « Chacal » - Zimmerman, « son nom de Venise dans Calculta Desert » – Marguerite Duras…) aura brisé son cœur !

Il dira d’ailleurs :

 "J'ai vécu un grand chagrin d'amour et ma vie s'en est trouvée très affectée. La personne que j'ai aimée n'était pas libre... Je n'ai jamais pu aimer quelqu'un d'autre. C'était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s'appelait Delphine Seyrig.

L’amour conjugal impossible mais amour de toute une vie pour l’humanité, derrière le visage d’un Christ ressuscité, qui, jusqu’à son dernier souffle aura habité l’âme de ce merveilleux comédien.

Il nous quitte, en ce 21 septembre 2020, dans son sommeil, en paix, dans la sérénité et le regard de Dieu en nous laissant le souvenir de sa voix mélodieuse et son regard interrogatif qu’il posait sur les êtres…


mercredi 2 septembre 2020

ITINERAIRES SYMPAS - XIII

 


Voici ma treizième planche d'itinéraires sympas à effectuer avec ou sans le masque, en fonction de votre éthique plus ou moins étique.