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jeudi 1 août 2013

LES TRAINS D'UN ÉTÉ MEURTRIER


Le transport ferroviaire deviendrait-il adepte de Thanatos ?

Le 12 juillet inaugurait un été meurtrier sur les lignes de chemin de fer. A Bretigny-sur-Orge (Essonne) le train Téoz 3657, reliant Paris à Limoges, déraillait en provoquant la mort de 6 personnes. Une septième personne vient de succomber à ses blessures.

Le 29 juillet, deux trains entrèrent en collision en Suisse Romande, vers 19 heures. Le choc fit un mort et 35 blessés dont 5 grièvement.

Mais surtout, entre ces deux dates, il y eut le 24 juillet et ce train déraillant à quelques encablures de St Jacques de Compostelle, haut lieu de pèlerinage de Galice (Espagne), but espéré de milliers de pèlerins.

 "Dans les kilomètres ayant précédé le lieu de l'accident, le train roulait à 192 kilomètres heure", ajoute le tribunal espagnol  saisi de ce drame, indiquant "qu'un frein avait été activé quelques secondes avant l'accident". Le virage était pourtant limité à 80 km/h. 

Le conducteur du train, Francisco José Garzon Amo, âgé de 52 ans, a été mis en examen dimanche pour "79 faits d'homicide par imprudence" par le juge d'instruction Luis Alaez. Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire.

Une liberté lourde de culpabilisation ! Un poids insoutenable sur les épaules d’un seul homme ! L'idée lui traverse-t-elle l'esprit qu'il aurait mieux fait de mourir dans l'accident ?

Est-il le seul fautif ? L’enquête, espérons-le, devrait pouvoir éclaircir tant d’interrogations !

En ces occasions on ne peut que songer à ces commandants de ferries, ces chauffeurs de bus, ces conducteurs de transports publics qui, dans un moment d’absence ou par poussée fiévreuse d’exploit, oublient leur responsabilité et la charge qui leur incombe : amener leurs passagers sains et saufs à l’endroit contractualisé !

Dans ce genre de drame on repassera le plat de la sécurité, des systèmes de freinage automatisés…

On se gargarisera à rêver d’un univers où le risque zéro n’existe pas !
On aura la faiblesse de penser qu’un jour les accidents n’auront plus cours ; hormis sur nos écrans de jeu vidéo ou dans les scénarios de jeux d’enfant !


Mais on se trompe !  


J’avais 10 ans, j’étais gamin
Et mon petit train électrique
Subissait les plus drolatiques
Déraillements mus à dessein.

Sur les rails que j’avais disjoints
S’affaissait la locomotive
Et les deux wagons en dérive
Peignaient ma joie en contrepoint.

En ces temps-là, dans son Espagne
Un petit Francisco joyeux
Devait s’adonner à ce jeu
Comme on rit d’un mât de cocagne.

Sans savoir qu’un jour il serait
Le conducteur d’un train d’enfer
Dans un virage mortifère
Près d’un sommet de  piété.

Ci-git St Jacques de Compostelle
Les morts dans les wagons broyés
Du sang couvrant la voie ferrée
Dans l’indicible accidentel.

Au terminus des pèlerins
Le deuil nacré de coquillages
Ecrabouillés par la sauvage
Motricité folle du train.

Déraillement, erreur humaine
Ce qu’en diront les boîtes noires
Ne modifiera pas l’histoire
Noircie sous le cri des sirènes.

Et Francisco de son enfance
Puisera  l’amer souvenir
D’un petit train nommé plaisir
Hors des méandres de souffrance

Et Francisco José Garzon
Perclus de coupables fardeaux
Ecoutera les trémolos
De son trépas qui violone !

BERNADETTE LAFONT A REJOINT PAULINE


Une grande actrice nous a quittés ce jeudi 25 juillet. A l’âge de 74 ans s’est éteinte Bernadette Lafont et, avec elle, une partie de ce cinéma de la nouvelle vague.
Bernadette Lafont c’était une lueur dans le regard, une malice contagieuse, une spontanéité débordante, un remède à la déprime.
Personnellement elle fait partie des grandes comédiennes qui jouent à l’instinct et s’enrichissent d’une personnalité hors du commun. J’ai aimé Romy Schneider, Annie Girardot, Marie France Pisier et j’ai aimé Bernadette Lafont  parce qu’elles incarnent au mieux la vie sur cette fine bandelette de pellicule qu’on appelle un film et qui reste l’émouvant témoignage d’un cinéma des années 60 se débarrassant de carcans académiques et poussiéreux.
Comme Annie, Bernadette avait de la gouaille, de la fraîcheur. On avait envie d’être son ami, de l’accompagner dans ses ballades cévenoles.
Remarquée par Truffaut elle jouera son premier film Les Mistons en 1957. Puis un autre père de la nouvelle vague, un certain Chabrol, lui prolonge l’étrier. Et ce sera Le beau Serge aux côtés de Jean Claude Brialy (1958).  Après un passage à vide elle repart de plus belle avec La fiancée du pirate (1969) où elle incarne une femme mutine et nourrie des mouvements libertaires de 1968.
On la remarquera aussi dans La maman et la putain (1976,film de Jean Eustache) et dans Une belle fille comme moi (1972 et encore Truffaut).
Mais bientôt le cinéma se détourne de ses vraies capacités et la sous emploie dans des rôles secondaires pour le compte de comédies farfelues et sans grande envergure.
Mais en 1985 elle devient la confidente d’une future étoile du cinéma, la jeune Charlotte Gainsbourg ! Le film s’appelle l’effrontée et Bernadette décrochera le césar du meilleur second rôle !
Chabrol saura la redécouvrir avec l’Inspecteur Lavardin (1986)
Enfin Mocky lui fera confiance et lui assurera de son amitié. Avec lui elle tournera 4 films dont le Pactole (1985) et Les saisons du plaisir (1988).
 C’est d’ailleurs Mocky, le franc-tireur du cinéma français, qui sera l’un des rares de la profession cinématographique à se rendre aux obsèques de la grande dame, à Saint André de Valborgne (Gard)
Et le bougre s’en indignera :

-      Si peu de monde pour son enterrement, c'est dégueulasse. Même si Bernadette était quelqu'un de solitaire et indépendant, le cinéma devait être là !

Mais toi, Bernadette, dans ton paradis des étoiles disparues, tu t’en balances ainsi que le chantait Barbara dans le film de Nelly Kaplan où tu incarnais Marie, la fiancée du pirate (1969)
Oui tu t’en balances car des gens de ton village continuent à t’aimer en silence ! Et puis tu as enfin retrouvé Pauline, ton enfant chérie, ta petite fée trop vite disparue en 1988 !
Dans son souvenir tu t’es battue pour ne pas sombrer et ce deuil magnifique aura nourri les planches des théâtres et la magie télévisuelle…


Comment pourrait-on t’oublier ?

Pas beaucoup de tes pairs pour ton dernier voyage
Saint André de Valborgne au plein cœur de l’été
A réuni ses âmes pour cet ultime hommage
Quand la nouvelle vague d’un reflux s’étiolait.

Et pourtant quel regard aux lueurs de malice
Pour inspirer le cœur de Chabrol ou Truffaut
Une belle fille comme toi pour ce dernier office
Eût mérité le chœur des illustres sanglots.

De maman à putain s’emploie ta profession
A nourrir de son sein tes premiers jeux d’écran
Pour préférer bientôt d’autres fruits de passion
Quand ton âge écrira la mémoire de Kaplan.

L’été en pente douce décrochera l’hiver
Et ce froid dans ton cœur en brisures d’absence
Le parfum de Pauline sur les embruns amers
Et des planches posées en tremplins d’espérance.

Au-delà de ce deuil, au-dessus de l’abime
Une force joviale, un appétit d’aimer
Cigale cévenole dans l’été qui s’abime
Tu brillas tant de fois pour nous émerveiller

Et qu’importent les grands issus de ton sérail
Qui jouèrent l’absence lors de tes funérailles
Les vrais gens étaient là, ces cœurs qui te ressemblent
Emouvants et fragiles comme un souffle qui tremble…