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vendredi 8 janvier 2016

IL VA FINIR LA, PIERRE, TON BAL !


Pierre Boulez vient de nous quitter à l’âge de 90 ans, ce mardi 5 janvier. Sa mort signe, en quelque sorte, la fin d’une musique avant-gardiste du XXème siècle qui remettait en cause l’harmonie classique.

Pierre Boulez est né à Montbrison, dans la Loire, en 1925. Il commence par casser des verres à pied pour savoir quelle poésie musicale s’instaure !
Que fais-tu, Pierre, demande son père ?

J’entends mon bris sonner, rétorque l’enfant qui ne sait pas encore que cette expérience augure de sa future création.

Il se met au piano dès 7 ans et déchiffre bien. Des chiffres tellement bien qu’il s’oriente vers les mathématiques afin de se mettre à la portée de l’Ecole Polytechnique de Lyon. Mais il n’oublie pas Euterpe qui l’amuse !

Alors qu’il assiste à une course de 100 mètres où brille une collègue de promo, une certaine Marthe, lui vient brutalement une musique. Il l’écrira sur portée. Ce sera le célèbre « Marthe aux cent mètres", pas toujours très compris d’un auditeur peu averti. 

Il monte à Paris, étudie vite avec un cerveau de matheux. Tout est si fa si la la mi Pierre. Il comprit le cours de son maître, Olivier Messiaen, larmes honnie et avec allégresse la si mi la ! Sur le rameau d’Olivier il sait repérer les chants d’oiseaux car son oreille musicale est sans pareille.

En 1946, il gagne sa vie en jouant des ondes Martenot, ancêtre du synthétiseur (priez pour nous),  aux Folies-Bergère quand Jean-Louis Barrault lui propose de rejoindre sa compagnie théâtrale pour diriger la musique de Seine et de tisser des rapports plus francs si liens !        

Boulez n'a aucune expérience de la direction d'orchestre. Heureusement l’agent « l’ouïe » barre haut, sur les ondes les plus difficiles à atteindre. L’homme reconnaît le son de tous les instruments. Il apprend vite et sur le tas ! Il profite de la confiance qu’on lui prête (à taux zéro) pour fonder, dans les années 50, le Domaine musical, où il présente au public parisien son approche du répertoire contemporain dont Barrault est le content parrain.

Boulez, se met jusqu’au bout l’aise d’écrire une musique radicale et nouvelle. Pour un peu il vous dirait : fa c’est si ! Il expérimente pour pondre de la musique sérielle qui leurre les adeptes de l’harmonie en imposant des œuvres atonales, voire à taux nul pour les détracteurs.

A partir des années 1960, Pierre Boulez, que les critiques rendent l’esprit  âpre et maudit d’un faune,  prend le train plus tempéré qui longe la mer de Debussy ! Il s’exécute en multiples arabesques entrecoupées de soupes de poisson concoctées par un homme d’art à bisques. Et bientôt des œuvres de poids sonnent : Explosante-fixe  (1972-1994), ou Répons (1981-1988)

Dans les années 1970, Boulez  diriger l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam). L’Ircam c’est comme l’Icam (Institut Catholique des Arts et Métiers) sauf qu’on rajoute un air en plus (et pas forcément très catholique). Avec l'Ensemble InterContemporain et l’Ircam, on peut réellement dire que l’avant-garde  trouve ses institutions pour la plus grande gloire de Boulez. Et quelle notoriété à l’étranger l’Ircam eut (lire Camus) !

La carrière de ce mathémusicien (mot valise qui n’est pas si malle) est jalonnée par une pugnacité sans borne et des prises de bec véhémentes. Avec son humeur de chien Boulez bile !

-      Le Monde est composé deux types d’engeances : celle qui est avec moi et celle qui est contre moi, déclare-t-il en même temps que ses revenus.
-       
Même la musique de son maître Messiaen rend Boulez rouge :

-      Il n’est qu’ânon, fustige-il, son œuvre est à vomir !
-       .......

Certains verront dans cette aigreur verbale la marque d’une sensibilité à fleur de peau ! Et quand on en a plein le dos, des cas, faut nique !

En 1967, il laisse la direction du Domaine Musical à Gilbert Amy (l’Amy la do ré). Il est alors reconnu comme un grand chef d’Orchestre. Il a dirigé l’Orchestre de Baden-Baden après avoir quitté la France en claquant la porte à Malraux en 1966, tel un coup de Massu.

-      Malraux veut réorganiser la vie musicale française mais il ne s’y connaît pas ! Il a le gong court ! Sa musique c’est les voix du silence. Comment ce Malraux décevant, ce mal rodé se vend ! Non, je me casse !    
-       
A Baden Baden, il dirige l'Orchestre de la Südwestfunk puis on le voit diriger Parsifal  sans permettre à ses musiciens qu’ils vaguent, n’errent. Donc une maîtrise de fer pour un vénérable Festival de Bayreuth où son cœur bat, va roi !

Entre 1976 et 1980, il y conduit un Ring historique, sur une mise en scène de Patrice Chéreau, un homme qui lui est cher. Il montera avec lui la création de Lulu, d’Alan Berg, mais, cette fois ci, à l’Opéra de Paris.

A chaque fois c’est une triomphe. On admire sa maîtrise et le respect des œuvres. De Cleveland à New York, en passant par Londres, l’homme sans baguettes (il n’aimait pas la musique chinoise) commande aux mains et aux bras sans faire parler le corps sauf s’il est d’harmonie, fa sonnant ! 

Dès ses premiers enregistrements pour le label Adès, on a encense sa précision que des pigistes de Métro nomme « inouïe ». Puis ses disques enregistres par CBS, aux USA confirment sa pâte novatrice dans l’interprétation de la musique du XXème siècle (Debussy, Stravinsky, Berg…)

Boulez ira s’imposer, également, comme l'interprète idéal de Ravel ce qui semble assez antinomique eu égard aux styles de musique que chacun défendait. Mais, en lançant tant de disques, certains disent que Pierre, discobole héros, fait connaître plus que disco boléro ! A partir de 1989, il enregistre  ses grands succès pour Deutsche Grammophon, un label qui évoque, allemand, et avec bonheur les œuvres de Mahler.

A l’inauguration de La Cité de la musique, à Paris, Boulez fête ses 80 balais hors de France. Encore un joli pied de nez. A Berlin, il dirige l'Orchestre de Chicago et celui de la Staatskapelle, dans la symphonie n°2 « Résurrection »  de Mahler.
Il entreprend ensuite une tournée en Europe et aux Etats-Unis. Il ne voudrait plus revoir son pays qu’il ne se comporterait pas autrement, disent les mauvaises langues. Pour lui, Paris, est-ce un faux nid ?

Pourtant son pays lui a tout donné : directeur de l’Ircam, président de l'Ensemble InterContemporain ;  vice-président de l'Etablissement public de l'Opéra Bastille, conseiller spécial à Radio France, à la Sept [ex-Arte] et à la Villette, professeur au Collège de France, excès taira…

Mais peut-être que l’Hexagone n’a jamais vraiment digéré sa musique du dit-gérant de l’avant garde ! Aussi, renvoie-t-il l’ascenseur en soutenant, par exemple, que la pop c’est comme du papier peint. Alors que sa musique serait plus comestible : papille et pain ? Monsieur aurait l’esprit quelque peu prétentieux ?

Soixante-dix ans après, le boulot de Boulez (déballé sans beau ballet du bileux aux débats laids)  est entré dans l'Histoire, mais l’œuvre  n'a toujours pas vraiment sa place au répertoire ! Il n’est pas l’heureux père : tord y est ! Tord d’être en avance sur son temps ? Sans doute !

 A titre d’exemple, pour ne parler que des morts illustres récents, il semble plus aisé de fredonner du Delpech sous sa douche que d’entamer une ritournelle boulézienne.

Le public voit un excellent chef d’orchestre mais appréhende d’écouter la moindre de ses compositions sauf à se caser un paquet de boule Quiès dans les pavillons.

Boulez, entonne, alité : la mort m’attend et c’est déconcertant !

La camarde l’emporte, un peu timbrée ; émonde son monde d’ondes et le mène au silence à la pause infinie…

Il me faudra toute la vie, comme feu ma pauvre mère, pour ne pas réussir à apprécier sa musique tout en sachant savourer les œuvres qu’il aura digérées, heu…dirigées.