CHERCHEZ DANS CE BLOG

mercredi 11 octobre 2017

LA VIE DE J.R. CÉDA, LASSE !






Jean Rochefort, le dandy du 7 ème art à l'éternelle moustache, vient de nous quitter. Je ne pouvais que rendre hommage à cet homme facétieux.


Jean Rochefort n’y est pas né ! La ville qu’a rendue célèbre Jacques Demy n’a pas influé sur le destin du comédien. L’homme est né à Paris, le 29 avril 1930, tout simplement, dans le 20ème. Son père se nomme Célestin et travaille dans le pétrole qui véhicule l’huile et les roches fore. Jean ne la voit pas comme ça sa vie, pas d’attaché case quand il était petit. Il rêve de comédie. Au grand dam de son paternel, il fait son apprentissage au Centre d’art dramatique puis au Conservatoire où il rencontre ses futurs collègues (Belmondo, Marielle, Rich…).

Sa carrière débute vraiment en 1956 avec Rencontre à Paris de Georges Lampin (avec Robert Lamoureux). Mais l’acteur se sent plutôt attiré par des films 2kpdp ou historiques (l’attrait du costume) et jouera les spadassins  ou les seconds couteaux dans Le capitaine fracasse (1961 – Gaspard-Huit), Cartouche (1961 – Philippe de Broca avec son ami Belmondo) et même dans la série des Angéliques ce pour quoi il a fallu l’heure « Mercier ».

C’est dans les années 70 que l’acteur se dit « j’enroche fort » tellement il fortifie de pierres blanches le pont qui enjambe l’insuccès. Il développe un souffle comique nappé de sérénité gracieuse dans des films comme Un éléphant ça trompe énormément  (d’Yves Robert – 1976) ou encore Le Grand Blond avec une chaussure noire (toujours de Y. Robert – 1972). Ces années de révélation nous le montrent moustachu. Jean adopte cet attribut qu’il ne quittera qu’une fois, quand il tournera le film Ridicule (de Patrice Leconte – 1996). Effectivement l’absence de l’indispensable le rend ridicule et lui fait dire : cent pas trissent le conte, t’émoussent ; t’as chu !

Avec cet apparat l’homme peut davantage joueur le flegme naturel, l’humour délicieux mais néanmoins élégamment caustique. Une vraie marque de fabrique ! Il ose jouer tous les rôles avec le même bonheur, le même zèle impertinent que lui insuffle une muse espiègle. Une muse qu’il sollicite souvent pour sauter dans la grâce burlesque. C’est le fameux « aide-moi zèle ! » de Rochefort  qui se concrétise par un saut angélique (nous y revoilà), tout de grâce burlesque ! Ah, ces sauts : l’ange est d’ailes fines ! (Assez ! Solange et Delphine !). On le voit notamment dans le film de l’éléphant sus nommé où le héros saute d’un appartement et prend tout son temps tandis que l’attendent les pompiers et le cercle de réception !

Il atteint le sommet en décrochant deux jolies récompenses :

En 1976, il reçoit le césar du Meilleur second rôle pour Que la fête commence (de Bertrand Tavernier – avec Philippe Noiret). Il interprète l’abbé Dubois, premier ministre du régent, le Duc d’Orléans, à l’époque où Louis XV était encore mineur. Heureux semble Jean dans l’abbé-attitude.

En 1977, il obtient le césar du Meilleur rôle pour Le Crabe tambour, un film de Schoendoerffer où l’on peut apprécier, également, le talent de Claude Rich disparu récemment (le 20/07/2017). Là il incarne un commandant d’escorteur, capitaine de vaisseau qui se remémore les ans bruns sans que ça puisse faire marée…

Jean aurait pu continuer à se faire remarquer dans des films riches, graves, pourvoyeurs de réflexions métaphysiques mais il aime trop la fantaisie et son coté fantasque le fera jouer dans des œuvres triviales :

-      Je ne me prends pas au sérieux et je fais dans l’alimentaire, enfin celui de mon cheval, lance-t-il comme une boutade bien pesée.

Car Rochefort est un cavalier émérite. Il consacre beaucoup de temps à soigner et monter ses destriers, ses fesses unies vers selle ; sur la monture il ressent le bonheur ; heureux l’être y est ! Avec une telle zoothérapie qu’il mène à bon trot on ne le verra jamais débris d’abattu.

Il est tellement prêt à tout pour ramener l’avoine qu’il s’engage dans un Don Quichotte, un film avorté que prétendait achever Terry Gilliam (octobre 2000)  mais qui finira en documentaire !

Il n’empêche, Jean continue dans le 7ème art et, comme la passion équestre le séquestre il pousse le vice à commenter les épreuves chevalines des JO de 2004 !

En 2015, trois ans après L'Artiste et son modèle (film de Fernando Trueba avec notamment Claudia Cardinale), Jean Rochefort revient au cinéma. Dans Floride de Philippe Le Guay. L’acteur interprète Claude Lherminier, un chef d'entreprise frappé par Alzheimer et qui se fait un sang royal (l’hermine y est !). Un rôle terrible qui le renvoie à sa propre mort, qu’il sent imminente…

Effectivement, après un ultime sursaut médiatique qui le voit transformé en président du 26e festival du film britannique de Dinard (septembre 2015), la camarde le rattrape.

Il meurt le 9 octobre 2017 en laissant à notre patrimoine culturel quelque 120 films, de factures inégales, certes, mais qui nous rappelleront toujours son jeu d’acteur, entre flegmatisme et tendresse malicieuse.


Un grand Monsieur bien aimé de tous vient de nous quitter.

Aucun commentaire: