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dimanche 13 janvier 2019

LE MONDE MERVEILLEUX DES GILETS JAUNES





D’actes en actes, de samedi en samedi, la pièce des gilets jaunes se programme dans toute la France avec les mêmes comédiens, tout de jaune vêtus, les mêmes slogans réducteurs et cette violence dans le scénario, assumés par les uns, condamnés du bout des lèvres par les autres.

Le phénomène s’est déclenché au paroxysme d’une colère qui rampait depuis plus de 30 ans. Les Français indigents, travailleurs pauvres, retraités impécunieux, ont vu comme une petite goutte qui faisait déborder le vase la taxe sur les carburants qui leur échoyait.

C’était pourtant une taxe empreinte de bonne volonté : limiter la consommation d’essence et de gas-oil en rendant les carburants plus chers. Le gouvernement tenait à cette taxe écologique mais il dut y renoncer. Entretemps, les ronds-points devinrent des lieux de blocage sous les lueurs d’un brasero et Paris s’enflamma à coups de rixe, d’échauffourées avec les forces de police, de dégradations des édifices publics et de déprédation du commerce.

Plus de 30 ans d’incurie, de non-assistance à une population en souffrance et c’est le jeune Macron qui tire les marrons du feu de la colère. Les voix s’élèvent : Macron démission ! Les médias grossissent le phénomène en reprenant,  en boucle, les scènes d’émeute. Les réseaux sociaux s’enflamment, vilipendant le gouvernement sans ambages : grossièretés, thèses complotistes, accusations éhontées. La colère est mauvaise conseillère, axiome qui n’est plus à vérifier.

Le gouvernement a lâché du lest, opéré un rétro pédalage. Il n’est plus question de taxes sur les carburants et tout sera mis en œuvre pour augmenter le pouvoir d’achat des uns et des autres : suppression de la CSG sur les petites retraites, heures supplémentaires défiscalisées, primes de fin d’année aux salariés dont les patrons se montreront généreux…

En dépit de ces mesures la colère persiste. Les gilets jaunes disent qu’ils ne lâcheront rien. Mais qu’est-ce que ce rien ? Que veulent-ils ? Les revendications semblent tellement disparates ; l’ire est protéiforme !

Ils évoquent l’instauration d’un RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne). Mais comment l’organiser ? Quelles questions prioritaires pourraient être posées et qui aient comme réponse oui ou non ?

Énervés par les petites phrases arrogantes de Macron, excédés par leurs conditions de vie, les GJ, qui se disent le Peuple, continuent à déambuler dans leurs chimères en attendant un grand soir hypothétique. L’aveuglement de leurs colères les mène dans la brume des espérances inaccessibles.

Il risque même de mener à une forme d’anarchie, de délitement des forces économiques (certains commerces risquent de mettre la clé sous le paillasson) et de récupération par les mouvements les plus extrémistes.

Aussi, ai-je imaginé un stage de formation pour remettre un peu de sagesse dans cette colère exprimée.



Il avait réussi son stage de gilets jaunes
Financé sans compter par le bon Pôle Emploi
Il savait désormais se contrôler à l’aune
Des règlements, décrets et d’immuables lois.

On lui avait appris quelques jolies manières
Ne pas voir le rond-point comme une barricade
S’empêcher d’entraver l’activité routière
Par des comportements effleurant la bravade.

On avait inculqué dans son petit cerveau
Que la dégradation des radars amenait
Des flots de déviances et des maîtres Fanjio
Dont la vitesse folle pourrait assassiner.

Il s’était fait briefer sur les obligations
Qui fomentent en secret toute la bienséance
Prévenir le Préfet des manifestations
Condamner de claire voix toutes les violences

Quelques cours consacrés à la Constitution
Éveillèrent son esprit jusqu’alors teint de noir
Le Président français choit dans la démission
Qu’en cas de manquement à ses nombreux devoirs.

On l’éduqua aussi à dessein de le voir
Appréhender au mieux les grands réseaux sociaux
Ne plus jamais en faire d’immondes dévidoirs
D’homophobie, de sexe, ou racistes propos.

Il obtint des leçons de bons comportements
Ne pas boxer l’agent quand bien même il tient tête
Il assure son rôle ; de paix il est garant !
Et qui sème le vent récolte la tempête

La remise à niveau du champ orthographique
Les longs entraînements à l’expression orale
Devaient dorénavant, sans le rendre emphatique,
Lui donner  de l’aisance pour parler au journal.

On le verrait bientôt causer avec aisance
Au fil des arguments sur un plateau-télé
Heureux de s’exprimer devant toute la France
Sans haine ni rancœur, sa belle âme apaisée.

Il avait réussi son stage de gilets jaunes
Financé sans compter par le bon Pôle Emploi
Il pouvait s’orienter au milieu de la faune
Traverser une rue pour un métier de choix.
 


mardi 8 janvier 2019

SI QUESNAY M ' ÉTAIT CONTÉ (voire COMPTÉ)




C’est près de Montford-l’Amaury qu’est né Quesnay, en 1694. Ses parents l’appellent François en hommage à Rabelais qui les faisait rire, tandis qu’ils auraient pu pleurer en voyant, hagards, gamelles qui chantaient la maigre pitance. Le père de François n’est qu’un pauvre laboureur toujours en des prêts-sillons, avances sur trésorerie agraire bien répandue à l’époque.

De cette dépendance à l’argent naîtra la curiosité pour l’économie. Mais c’est une progression lente. L’homme passe par des méandres ineffables ! Y naît fable humaine que je vous conte de ce pas.


En 1711, il entre en apprentissage pour cinq ans chez un graveur parisien mais sans décrocher le moindre CAP. Son père jugeant qu’il a son cas aggravé l’inscrit à l'université et au collège de chirurgie de Saint-Côme même si, à l’époque, bien plus que guérir St Côme enterre (saints commentaires ?)

-       A défaut de te faire aux burins, je te propose te mettre aux beaux reins, voire aux malades. Ici, tu auras tous loisirs pour observer les foies de morts eus par la cirrhose si noire. Tu seras paré, comme Ambroise, pour disséquer dix sections de poumon, les yeux fermés. Tu seras à même d’opérer cinq hommes, en même temps.

Et le goût du billard a du bon : les études boulent les dernières quilles de résistance et il fait son trou dans la chirurgie. En 1718 il devient maître dans la communauté des chirurgiens de Paris. Mais, déjà, sa carrière de praticien de base le lasse. Il veut grimper.

En 1723, il devient chirurgien royal et entre au service du Duc de Villeroy en 1734. Villeroy ébauche pour lui des projets auquel il devait se lier (pour céramique) mais il refuse l’offre et, en 1744, se fait décerner le grade de docteur en médecine. Un bien joli titre qui le propulse médecin de Mme de Pompadour en 1749 ! Jeanne-Antoinette, née Poisson, aime ce docteur aux réparties ad hoc, d’un bon ton, en mettant le défaitisme à la raie.

François lui avoue être physiocrate, c’est-à-dire un économiste qui prône l’idée simple « seule l’agriculture donne la richesse à un pays. Il faut donc prendre soin de la terre ! ». 

-         Vous allez devenir économiste et me laisser tomber, s’afflige la noble dame ?

-     Que nenni Madame, j’ai déjà tant publié pour la médecine, enseigné l’art de guérir à en saigner, celui d’éradiquer la gangrène en dépit de l’opposition de gangs rennais qui voulaient l’étouffer, et souffrez Madame que je vous présente mon traité sur les fièvres continues !


-      Très intéressant ! Je le lirai quand j’aurai du temps ! Mais parlez-moi encore des physiocrates !

Et François évoque sa rencontre avec le Marquis de Mirabeau.  Tous deux réfléchissent sur ce qui fait la richesse d’un pays. Ils ont mis sur pied un tableau économique qui met en exergue l’importance de l’agriculture. C’est un schéma qui rabote un peu (d’où le terme de mi-rabot) la complexité des échanges entre les facteurs économiques en se basant sur trois grandes classes :

1.     la classe productive, c'est la classe des fermiers (celle à laquelle appartenait son père) qui est le groupe social à l'origine de la production annuelle globale puisque l'agriculture est la source unique de la richesse. Et tandis que Louis XV aime la chasse et Louvres, le paysan la ferme !

2.     la classe des propriétaires est le groupe formé par l'aristocratie, le souverain, et le clergé qui, sans cultiver la terre, s'approprie annuellement le «produit net »  sous forme de rente ou d’impôt (taille, dime, gabelle) payés par la classe productive ;

3.     la classe stérile est représentée par tous les autres groupes, occupés à d'autres activités que celles de l'agriculture : intermittents du spectacle, péripatéticiennes, marchands de sommeil, créateurs de journaux satiriques aux pattes palmées…Il devient souvent insupportable, pour les productifs, de se faire aux stériles, austère île d’inutilité (mais pas encore ce féroce terril car l’exploitation des mines n’est pas d’actualité, à cette époque).

La Pompadour est subjuguée par tant de génie mais lui demande, quand même, quel est l’avenir de ce modèle Quesnaysien.

-       Non, pas Quesnaysien, ô Marquise, car le Keynésianisme ne naîtra que bien plus tard. C’est juste une ébauche physiocrate, une explication de notre économie par le gouvernement de la nature. Seule, la Terre apporte des richesses : il nous faut des champs donneurs, des prés verts desquels on pourra tirer impôt éthique ! Il nous faut, laiterie, ânons…

-   -  Les Trianons ! Non, le Trianon ! Il n’y en a qu’un ! Celui qu’est en train de me construire mon cher Louis XV ! Il me servira d’ailleurs de bergerie si le temps m’est donné de le voir achever.

Hélas, la belle dame mourra avant de voir l’œuvre finie. Elle s’éteint en 1764, à Versailles, sans que le médecin, devenu économiste, ne puisse trouver le remède sain ! Quesnay mourra, 10 ans plus tard, en laissant des œuvres qui feront méditer Adam Smith, Marx ou encore Léontieff, le père des matrices et tableaux d’échanges interindustriels.

Depuis Quesnay, on sait qu’une économie, comme un corps humain, peut être malade si un de ses membres bat de l’aile. Une mauvaise récolte de blé, en lien avec la sécheresse, aura une répercussion sur le prix du pain, mettra dans le pétrin le chef cuisinier, rendra croissant le problème de l’intendance à  bas prix pour les armées qu’on mène à la baguette !