La France et sa grande muette ne s’étaient pas trop mouillé le plumage martial pour protéger les Tutsis contre les coups de machette des Hutus (voir mon billet de 2014).
Au Rwanda, comme ailleurs,
le temps panse les plaies, et pense les plaids, grands manteaux de laine
capables de réchauffer la froideur diplomatique.
Dans un discours très
attendu au Mémorial du génocide de Kigali, Emmanuel Macron a cherché à trouver
les mots justes pour reconnaître la responsabilité de la France sans condamner,
pour autant, notre beau pays des droits de l’homme.
En fin équilibriste, Jupiter
a parcouru le fil ténu du « en même temps », au-dessus d’un précipice
jonché de quelque 800.000 victimes de ce qu’il faut bien appeler un génocide.
- La France n’a pas été
complice de ce massacre mais, en même temps, elle doit regarder la vérité en
face : notre pays détient une part de souffrance qu’on a infligée au peuple
rwandais.
Le pardon ne devait pas
sortir de la bouche élyséenne. Mais Paul Kagame, Président toujours en
exercice, a quand même apprécié ce discours qui ouvre une voie à la
réconciliation 27 ans après le génocide des Tutsis.
Ce président, ancien danseur
d’une polka gammée, tant il a, lui aussi, du sang sur les mains, voit d’un bon œil
le rapprochement des deux pays dans un contexte de real politique assaisonné à
l’huile d’économie de marché.
La visite d’Emmanuel change, en effet, les donnes. Un ambassadeur devrait être rapidement nommé, alors que le poste était vacant depuis 2015.
L’Agence française de développement (AFD)
devrait rouvrir le bureau fermé depuis 1996. L’AFD s’est déjà engagée l’an
dernier à hauteur de 130 millions d’euros au Rwanda pour soutenir, par des
prêts à taux réduit, le développement des réseaux électriques et apporter une
aide d’urgence durant l’épidémie de la covid.
Et Jupiter de dire à son
homologue :
- Cher Paul, vous parlez
notre langue, c’est un super acquis culturel et cet acquis, gars, lie !
Et oui, comme dirait Duteil,
c’est une langue belle, une bulle de France au milieu d’un pays qui regorge de
richesses enterrées : coltan, or, tungstène, étain…
Il n’est pas négligeable de
renouer de bonnes relations avec un pays détenant une telle manne.
Mais, pour certains esprits
grincheux, se voilant dans un puritanisme éculé, cette diplomatie intéressée se
vêt d’une outrance sidérante.
L’un d’eux de conclure :
- Agir ainsi, sans gêne, ô sidère !
Le mort ne
parle pas pour évoquer la guerre
Qui de
plaies en charniers a pris du Rwanda
La mélodie
des cœurs, la candeur des lumières
Aux quêtes
du pardon le mort ne parle pas
Le discours
du vivant sur la crête des gênes
Compose de
son mieux avec les alibis
Les mots
tissent l’émoi ; des ergots pathogènes
Eliment la
dureté, émoussent l’argutie.
On puise
dans le flux d’une prose châtiée
L’acte de
contrition sans s’autoflageller
Une oreille y
perçoit l’amorce d’un soleil
La faconde
féconde un ruisseau lénifiant
Y trempent
les humeurs aigries, d’un autre temps
Où le sang
recouvrait le sol et ses merveilles.