L’EUROVISION. Comme chaque année depuis
1956 le concours eurovision de la chanson fait vibrer des millions de
téléspectateurs.
Cette année le concours se passe en
Azerbaïdjan car ce pays avait remporté le trophée l’an passé avec un titre anglais
«Running scared ».
La France n’a pas gagné le gros lot
depuis…1977 ! C’était à Londres et Marie-Myriam nous avait grossis de
fierté avec un joli titre « L’oiseau et l’enfant » !
Depuis, plus rien, bernique ! Et ce
n’est pas cette année qui nous démentira notre échec chronique dans cette
compétition vocale. Anggun va nous représenter et interprètera « Echo (You
and I) » à Bakou ! Une chanson 2/3 français, 1/3 anglais et 0% de
matière grise !! Je crains le pire !! J’espère me tromper !
Non ! Il faudrait une vraie chanson !
Comme celle de 1977 ! Une œuvre véritable, truffée de références et de
thématiques !! Mais oui !!
Comme un enfant aux yeux de
lumière
Le thème de l’enfant a toujours été
porteur. Marie Myriam n’a pas oublié que la regrettée Frida Boccara avait gagné
l’Eurovision en 1969 avec « Un jour, un enfant ». L’auteur du texte,
Joe Gracy, a prêté à cet enfant des yeux de lumière, apanage estimable quand on
souhaite lire la nuit des œuvres que la morale parentale réprouve !
Qui voit passer au loin les
oiseaux
Les oiseaux hantent l’univers musical
français. Du grand classique moderne (Les oiseaux d’Olivier Messiaen) à la
chanson à texte (Ouvrez la cage aux oiseaux de Pierre Perret). Une thématique
aussi porteuse que celle de l’enfant.
Comme l'oiseau bleu survolant
la Terre
Encore une référence culturelle.
L’oiseau bleu est une pièce de théâtre en 6 actes écrite par un belge (une
fois) un certain Maurice Maeterlinck, en 1908. Mais les fan d’aviation peuvent
trouver leur compte dans cette métaphore puisque l’oiseau bleu fut aussi un
biplace de raid construit en 1 seul exemplaire et qui, en 1927, fit un
« Bourget-Bourget » alors qu’il visait un « Bourget-New
York » !
Vois comme le monde, le monde est beau
C’est une injonction ! Vois comme
le monde est beau ! Cela laisse supposer qu’il faut parfois se faire
violence pour s’apercevoir que le monde est beau. Déjà, à l’époque, la beauté
de l’environnement ne s’imposait pas au regard comme une vérité première. Il
est vrai qu’en 1977 la planète était déjà bien ravagée par la pollution
ambiante. D’ailleurs une contrepèterie s’immisce dans ce vers : le bond
des maux !!
Beau le bateau, dansant sur les vagues
Beau le bateau, dansant sur les vagues
Remarquons la présence de rimes riches à
l’intérieur d’un même vers (beau et bateau) qui me laisse sans voix. Quant à
l’image poétique « dansant sur les vagues » elle n’est pas sans
allusion à la vague disco des années 70, vague sur laquelle moult personnes
dansèrent pour chasser le vague à l’âme.
Ivre de vie, d'amour et de vent
Encore une belle référence
littéraire ! « Le bateau ivre » est une poésie d’Arthur Rimbaud.
Un poème très long de 25 strophes où, incroyable, le mot « enfant »
est cité 4 fois !!
Belle la chanson naissante des
vagues
Hommage à Marie Paul Belle qui décroche
en 1977 un disque d’or pour son titre « La Parisienne ». Cette
superbe chanson fait naître des vagues par son côté provocateur !
Abandonnée au sable blanc
Le mot « abandonnée » sera
bien plus tard mis en écho par Johnny. L’auteur fait figure d’avant gardiste.
Blanc l'innocent, le sang du poète
Blanc l'innocent, le sang du poète
Notons les assonances de
« cent » d’innocent et « sang », du grand art ! Le vers nous informe que le sang d’un poète
est blanc ! Surplus de lymphocytes ?
Qui en chantant, invente
l'amour
Alors comme ça pour inventer l’amour il
suffirait juste de chanter ? Mais pour chanter il faut aimer le
chant ! Et qui de l’œuf ou de la poule… ?
Pour que la vie s'habille de fête
« C’est la fête ! »
chantait Fugain. La fête : une jolie thématique qui s’invite de façon
récurrente dans la chanson française. De la façon la plus ringarde
(« C’est la fête au village » des Musclés) à la plus élaborée
(« La fête aux copains » de Jean Ferrat).
Et que la nuit se change en
jour
Ça n’a rien de poétique tout cela !
Après la nuit vient toujours le jour ! C’est de l’empirisme à l’état
pur ! Même qu’après le jour se change en nuit, progressivement.
Jour d'une vie où l'aube se lève
Jour d'une vie où l'aube se lève
Même remarque : l’aube finit par se
lever. L’aube est pine qui se dresse dans l’ambiance érotique du jour naissant.
Pour réveiller la ville aux
yeux lourds
Là on touche davantage la grâce
poétique : une ville aux yeux lourds. Jolie métonymie de derrière les
fagots ! Derrière la ville : des gens ! Des gens endormis par
leurs habitudes, leurs us conventionnels, leur ennui. En 1977, en plein
Giscardisme, la France s’endormait.
Où les matins effeuillent les
rêves
Superbe métaphore ! J’en larmoierais
presque ! Les rêves assimilés à des roses que le petit matin personnifié
effeuille ! Notons une contrepèterie sous-jacente : les marins
éteuillent les fèves. [éteuiller est du vieux français et signifie ramasser]
Pour nous donner un monde
d'amour
Encore une référence littéraire. Un
monde d’amour est un roman d’Elizabeth Bowen (1955) grande dame de la
littérature irlandaise.
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi
Anaphore du plus bel effet ! D’une
réversibilité parfaite : l’amour c’est toi, l’amour c’est moi. Brassens,
grand amateur de chocolat, aurait inspiré l’auteur : l’amour sétois :
l’amour Cémoi.
L'oiseau c'est toi, l'enfant
c'est moi.
L’anaphore encore et encore. Mais la
réversibilité se montre plus discutable : « l’oiseau c’est moi,
l’enfant c’est toi » car les attributs diffèrent ! Il faut que chaque
partenaire assume son habit d’oiseau ou celui d’enfant. On ne s’improvise pas
volatile, on doit être muni de zèle. On
ne se déclare pas enfant sans ambages, il faut de l’expérience : être
vieux sans être adulte, comme le chantait Brel.
Moi je ne suis qu'une fille de l'ombre
Moi je ne suis qu'une fille de l'ombre
Oh, là, là, l’emprunt dans l’univers de
la môme Piaf !! « Je ne suis qu’une fille du port, une ombre de la
rue » nous vient tout droit de la chanson « Milord » que
Moustaki avait concoctée pour Edith ! Joe Gracy a juste opéré un
raccourci : une fille de l’ombre. Il aurait pu opter pour l’autre
raccourci : « une fille du port de la rue », ou plutôt,
« une fille de la rue du Port » !
Qui voit briller l'étoile du
soir
Ce n’est pas incompatible d’être dans
l’ombre et de voir briller l’étoile du soir ! Plus difficile, mais combien
plus poétique et surréaliste, eût été un perchoir sur l’étoile du soir duquel
il eût été possible de voir briller une ombre (ô génial oxymore !)
Toi mon étoile qui tisse ma
ronde
L’étoile filante qui tisse son fil de
façon rotative : belle image ! La contrepèterie cachée :
l’étoile qui tire ma sonde.
Viens allumer mon soleil noir
Dans la série des qualificatifs
appliqués au soleil : « soleil rouge » (Film de Terence Young
avec Delon et la belle Ursula Andress), « soleil vert » (Film de
Fleischer avec Charlton Heston). Mais « soleil noir » est un bel
oxymore.
Noire la misère, les hommes et la guerre
Noire la misère, les hommes et la guerre
Là, on tombe dans les clichés
misérabilistes. Zola et Hugo ne sont pas loin. Ça sent l’abbé Pierre, ça augure
des Restos du cœur, des futurs génocides rwandais et balkaniques…Mais ce genre
de postulat reste indémodable, hélas…
Qui croient tenir les rênes du
temps
Belle métaphore ! Le temps, pégase
impétueux, destrier fantasque, ne peut supporter la moindre bride ! Les
hommes et leur noirceur croient le domestiquer mais ils tombent dans un leurre !
Et le mal se retourne contre les humains : débris d’abattus.
Pays d'amour n'a pas de
frontière
L’amour n’a pas de frontière, mais l’âme
a ses douanes !
Pour ceux qui ont un cœur
d'enfant
Il faut absolument que la science avance
pour greffer des cœurs d’enfants reconstitués à partir de cellules mères.
Comme un enfant aux yeux de
lumière
Qui voit passer au loin les oiseaux
Comme l'oiseau bleu survolant la terre
Nous trouverons ce monde d'amour
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi.
Qui voit passer au loin les oiseaux
Comme l'oiseau bleu survolant la terre
Nous trouverons ce monde d'amour
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi.
A part « nous trouverons ce monde d’amour »
c’est véritablement du copier-coller ! Mais c’est le changement de temps
(on passe du présent de l’indicatif à du futur simple) qui fait la différence
justement ! Le regard tourné vers l’avenir ! C’est beau comme une
promesse électorale !!