De son vrai nom Issur Danielovitch Demsky, Kirk Douglas naît
dans une famille de juifs russes arrivée en 1910 chez l’Oncle Sam.
La condition très impécunieuse de sa famille le force, très
jeune, à travailler, à vivre de petits boulots. Il se fait les muscles comme
lutteur de foire ce qui jette un froid (d’où glace !) pour son père
chiffonnier et chiffonné car il l’eût aimé plus show !
Tu me veux showman ? Ok ! Et le brave garçon se retrouve
l'American Academy of Dramatic Arts ! Il apprend la technique, le phrasé,
les postures avec parfois un peu d’énervement qui lui agrandit cette petite fossette
au menton qu’il a depuis l’enfance.
A l’Académie, il rencontre Diana Dill (dit DD) avec qui il se
mariera : c’est un bon deal dit Dill prolongeant l’idylle avec l’idole.
La guerre l’appelle sur les mers mais pas pour longtemps ;
une dysenterie chronique le fait réformer et retourner sur les planches. Il se fait nommer Kirk car ça ne le ferait pas qu'il fasse applaudir toute une salle Issur !
Il y rencontre Lauren Baccal qui l’aide à sortir du Bocal et
à passer l’audition pour « L’Emprise du crime ». Ce sera son premier
film (1946) et il en appellera bien d’autres…
En 1947, il est sur trois tournages ! Sa carrière,
désormais loin d’école, décolle et s’annonce prometteuse. Il est nommé à l’Oscar
en 1949 pour son rôle de boxeur dans « Le Champion ».
Mais le jury, sans prendre de gants ne lui octroiera pas le
sésame. Comme dirait un scarabée chanteur : - le ring hausse tard la
reconnaissance !
Il n'obtiendra la fameuse récompense qu'en 1996, pour
couronner un demi-siècle de cinéma : un os car donneur de regrets...
Entretemps, l’homme en colère fera parler de lui en se
frottant à tous les genres du grand écran.
On le retrouve dans des westerns comme « La captive aux yeux
clairs » de Howard Haws (1952) ou encore « L’homme qui n’a pas d’étoile »
de King Vidor (1955) sur fonds de prairie verte où le cowboy débarre bœufs laids !
C’est aussi dans ces années 50 qu’il monte sa propre société,
Bryna Production. Il entame alors une collaboration avec Stanley Kubrick, dans « Les
Sentiers de la gloire » en 1956. Ce film, longtemps censuré en France
(durant 17 ans) symbolise le tabou qui a pesé sur les mutineries des poilus de
1917 et leur impitoyable répression à base d’exécution pour l’exemple.
En 1957, l’homme s’éloigne de son rôle de dur à cuire pour se
glisser dans la peau du peintre à l’oreille blessée : Vincent Van Gogh. Pour
le coup, l’homme qui n’a pas des toiles en possède ! Sans s’emmêler les
pinceaux, il montre toute la palette de son talent !
En 1958, principalement dans le fjord de Lim (Croatie), il
tourne « Les Vikings » un film de Richard Fleicher où il partage la
vedette (enfin, le drakkar devrais-je dire) avec Tony Curtis.
C’est ce même Curtis qu’il retrouve en 1960 pour « Spartacus »,
un film qu’il produit lui-même après avoir mal vécu sa non sélection pour jouer
Ben-Hur !
En dépit de quelques anachronismes, ce film est un succès. Il
est récompensé par 4 oscars. Tourné par Kubrick, l’œuvre relate la révolte des
esclaves menée par Spartacus (Kirk Douglas) lequel en a marre de jouer les intermittents
du spectacle face à des romains ventripotents qui se comportent comme des
bouchers à l’arène.
Éclectique, Kirk Douglas conserve toujours un grand intérêt
pour le théâtre. Il est ainsi le premier à interpréter le rôle principal de "Vol au-dessus d'un nid de coucou", en 1963. Il acquiert les droits de la pièce mais ne pouvant pas la produire à l'époque (en raison des coûts-coûts qui volent comme il n'y a pas plus voleurs) les cède à son fils Michael, lequel produira, en 1975, l'adaptation cinématographique signée Milos Forman !
Comme de nombreuses stars de l’âge d’or, sa carrière pâtit de
la révolution de l’industrie cinématographique des années 1970, même s’il manifeste
son intérêt pour le "nouvel Hollywood" en jouant le premier rôle de deux films de Brian De Palma, "Furie" en 1978 et "Home Movies" et (1980).
Après une kyrielle de téléfilms et quelques longs métrages
passés inaperçus, Kirk se raréfie.
Cette tendance se marie avec des drames. Il réchappe en effet,
et de justesse, en 1991, à un accident d'hélicoptère qui fait deux morts et lui
procure une attaque cérébrale trois ans plus tard.
Malgré une deuxième attaque (cardiaque cette fois) en 2001,
l'acteur lutte pour jouer avec son fils Michael et son petit-fils Cameron dans « Une
si belle famille » (2003).
Il réalise une ultime apparition à l'écran pour jouer dans
son dernier film, « Diamonds », (2004), aux côtés de sa fidèle
amie Lauren Bacall, qui avait lancé sa carrière.
Il nous quitte à l’âge incroyable de 103 ans, en nous
laissant une pléiade de films et une fondation, The Douglas Fundation,
consacrée aux enfants défavorisés et à la recherche médicale (création en
1964).
Car derrière l’acteur se cachait un homme de cœur, exigeant
avec lui-même mais aussi avec l’humanité qu’il voulait plus juste.
Il le dira parfois avec excès, en comparant Trump à un démon ;
en rapprochant l’élection du milliardaire golfeur à l’ascension d’un certain
Hitler.
Oui, un homme en colère, parfois dans la démesure.
Mais un énorme talent qui va longtemps se balader dans nos
salles obscures, de générations en générations.