Ouagadougou en feu. Le djihadisme s'abat comme la foudre... |
Le vendredi 15 janvier 2015, le sol burkinabè a vécu l’attaque terroriste
la plus meurtrière de son histoire.
Le groupe Aqmi (Al Qaïda au Maghreb Islamique), comprenant qu’il ne
pouvait plus trop sévir au Mali où stationnent les soldats français s’en est
pris au Burkina Faso et plus spécialement à sa capitale Ouagadougou, accusée de
faire des révérences aux Occidentaux.
Aussi les cibles étaient-elles occidentales. Les djihadistes ont d’abord
décimé de paisibles clients d’un bar restaurant « Cappucino »,
fréquenté par la communauté internationale.
Presque parallèlement d’autres groupes de fanatiques s’en sont pris à l’hôtel
Splendid. Une prise d’otages y a lieu qui a nécessité l’intervention de l’unité spéciale de
gendarmerie burkinabée aidée de
militaires français. L’assaut permet de libérer plus de 150 personnes !
Mais le bilan est lourd !
Au moins
29 personnes ont été tuées et, parmi elles, Leila Alaoui, photographe
franco-marocaine de 33 ans. La jeune femme est décédée d'un arrêt cardiaque,
lundi soir, dans la clinique de Ouagadougou où elle avait été transportée après
avoir été blessée. Elle se trouvait avec son chauffeur, Mahamadi Ouédraogo, qui
a été tué, à bord d’un véhicule pris pour cible par les assaillants.
Leila
était au Burkina pour le compte de l’Association Amnesty International, elle
était chargé de prendre des photos qui seraient, comme elle le fait si bien,
des portraits d’hommes et de femmes locaux, dans leur attribut, leur coutume,
leur dignité.
Leila, à
travers ses clichés, ses films, savait présenter la diversité de la nature
humaine, la richesse de chaque ethnie. Mais, depuis peu, elle était hantée par les
problèmes des migrants, le déracinement des victimes de la mondialisation.
A sa
façon, elle racontait l’espoir des hommes, leur aptitude à se battre en dépit
des événements tragiques, leur résilience.
C’était
une belle personne.
Sa mort
tragique sous les balles des barbares n’en est que plus révoltante.
Il
restera ton cœur à travers ces portraits
Ces
migrants de la Terre qui captaient ton regard
Il
flottera ton âme aux lueurs des clichés
De
ces visages pris dans l’écrin de ton art
Citoyenne
du Monde, lumineuse présence
Sur
la planète blanche des photos humanistes
Tu
cueillais les focus dans la luminescence
De
ces êtres nomades en éclats intimistes.
De
l’aura d’un guerrab (1) au combat d’un migrant
Par
le désert sableux ou les vagues ondulantes
Tu
aimas te plonger dans le grand mouvement
Des
cœurs déracinés sous des vies chancelantes
Il
restera de toi, de ton être magique
De
l’astre souriant qui sublimait tes yeux
Les
portraits du bonheur au-delà du tragique
L’inépuisable
espoir d’un monde plus heureux.
Ouagadougou
serein t’invitait en terrasse
L’existence
peignait dans la chaleur du lieu
Les
gestes indolents et des langueurs d’espace
Pays
de l’homme intègre semblait béni des Dieux.
Pourtant
ils ont brisé sous la mitraille ignoble
La
fraîcheur de tes jours, le parfum de tes mots
Exhalés d’un jardin, efflorescence noble
Qui
bordait la rivière de sensibles photos.
Ouagadougou
saignant, plongé dans l’épouvante
Pour
occidentalisme par des fous condamnée !
Tu
n’étais pourtant là que pour laisser vivante
Les
cultures métissées en tes instantanés !
Tu
te battais pour elles, ses jolies créatures
Qui
marient les humeurs et les identités
Surmontant
les aigreurs et le sang des ratures
Croisant
mille destins qui se croyaient brisés
Ils t'ont ôté la vie, mais ton œuvre respire
Comme
une enfance nue qu’attend la destinée
Comme
une symphonie sous l’azur qui s’étire
En
mille ébats d’oiseaux épris de liberté.
Il
restera ton cœur à travers ces portraits
Ces
migrants de la Terre, condamnés au départ
Il
flottera ton âme sur les langueurs bleutées
De
la mer des errances qui noyait ton regard
(1) porteur d'eau marocain
Un sourire, une présence, l'intelligence d'un regard... |
Les Marocains
Leila avait sillonné le Maroc, avec son studio mobile, figeant dans la surface d’illustrations des portraits de Marocains, révélant l’essence d’un Maroc, brut, vrai, sans artifice ni orientalisme. Inspirée, nous dit-elle, par la série de Robert Franck « The Americans ».
Avec « Crossings », Leila transmet l’expérience et les sensations des migrants sub-sahariens qui quittent leurs pays. En extraits vidéos, diffusés simultanément sur trois écrans, elle veut « recréer tout le parcours des migrants à partir du moment où ils quittent leur pays jusqu’à ce qu’ils arrivent au Maroc. »