Juliette Greco est née le 7 février 1927 à
Montpellier, d’une mère bordelaise et d’un père d’origine corse, Gérard Greco,
dit GG pour les intimes mais qui ne fut guère héros dans l’Hérault car il
abandonna sa famille. Aussi, la petite Juliette est-elle élevée avec sa sœur
Charlotte à Bordeaux par ses grands-parents maternels avant que leur mère ne
les rejoigne en 1933 pour les emmener dans la capitale. Tu la rappelles Hérault
mais haut est Juliette, haut, dans ses rêves parisiens…
Là, attirée par la danse, elle devient petit rat à l’Opéra Garnier, petit rat se faufilant entre chats. Mais la guerre éclate et comme la mère fait de la résistance, les deux sœurs sont vite impliquées ! Aussi, Juliette aura-t-elle le malheur de connaître la gestapo et la prison de Fresnes. Sa mère et sa sœur ainée seront, elles, déportées à Ravensbrück d’où elles reviendront, miraculeusement.
Dans ces années 50, de reconstruction, Juliette se retrouve à St Germain-des-Prés, lieu foisonnant d’artistes d’âme rive-gauche, mais loin d’être maladroite. C’est dans ce bouillon de culture qu’elle tisse des liens : Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Camus…
En 1949, alors que les trente glorieuses fait la part belle aux banquiers et que s'ingèrent mains des prêts, elle joue dans Orphée de Jean Cocteau, lequel (ironie du sort) écrivit « le mythe du Greco » en 1943, en hommage au grand peintre !
En 1951, elle enregistre son premier album, Je suis comme je suis, de Prévert et Kosma. L'auditeur, lui, dira : Je la suis, comme je la suis, depuis le début, avec avidité !
Au milieu des années cinquante, elle chante Aznavour, Trenet et Brel dont le pianiste, un certain Gérard Jouannest, sera son compagnon de la dernière route.
Auparavant, la dame brune, jolie môme, aura connu un impossible amour avec Michel Piccoli, et la maternité avec Philippe Lemaire, une figure du cinéma de cape et d’épée (2kpdp). En 1957, elle se rend à Hollywood pour y interpréter quelques rôles pour des réalisateurs prestigieux tels que John Huston « les racines du Ciel » avec Errol Flynn, ou Richard Fleischer « Drame dans un miroir », film de 1960 où elle rencontre, ni plus ni moins, Orson Welles !
Puis, de retour à Paris, elle enregistre « jolie môme » une chanson de Léo Ferré. Mais, surtout, elle interprète une dizaine de chansons de Serge Gainsbourg, dont la Javanaise en 1963. Gainsbourg dira :
Cette Javanaise, qui fut si incomprise parce que j'y parle javanais, je l'ai écrite pour Juliette Gréco et je lui ai donnée aussitôt son retour des Amériques (sic). Je pense être un auteur privilégié puisqu'elle m'a chanté et je pense qu'il n'y a pas un auteur digne de ce nom ou au moins ayant un tant soit peu de tenue littéraire qui n'ait souhaité écrire pour elle.
En 1965, son rôle dans la série Belphégor fait grimper sa popularité. La France de l’ORTF découvre la chanteuse en fantôme masqué et hantant les couloirs du Musée du Louvres, d’avant la pyramide ! Ca fait faire peur mais sans jamais donné dans le sanguinolent (d'ailleurs, en noir et blanc, le sanguinolent, hein ?). En aucun cas la belle fait gore !
En 1968, elle inaugure la formule des concerts de 18 h 30 au théâtre de la Ville à Paris. Elle y interprète l'une de ses plus célèbres chansons que n’aurait pu imaginer Charlélie Couture «Déshabillez-moi », tube, qui depuis, n’a jamais pris une veste.
En 1982 sort Jujube, son autobiographie, ainsi qu'un nouvel album. Elle s'éclipse ensuite pendant quelques années et revient au début des années 90 avec deux albums. En retrouve son public de l’Olympia en 1991 !
En 2004 sort « Aimez-vous les uns les autres ou bien 10 x éc..heu, disparaissez ! », album sur lequel travaillent notamment Benjamin Biolay, Art Mengo, Bernard Lavilliers et Christophe Miossec. L’accueil de ce dernier album lui confirme l’indécrottable fidélité de son public et cette faculté de se fondre dans toutes les générations !
Elle sort « Le Temps d’une chanson en 2006 », album réalisé à New-York avec de vrais jazzmen.
Début 2015, elle annonce une ultime tournée qui débutera fin avril 2015 :
- J'ai 88 ans, et je n'ai pas envie de monter sur scène en boîtant. C'est une question de courtoisie, de dignité. [...] Je veux partir debout. Je ne voudrais pas faire pitié. J'ai horreur de ça !
Ce 23 septembre 2020 s’en est allée la muse de St Germain des Prés. Il n’y a, désormais, plus d’après à la silhouette de la belle dame en noir et blanc, à la voix mystérieuse, aux cristallines aspérités masculines, aux mains frétillant de volubilité, au regard noyé de malices et d’étrangeté !
Il n’y a plus d’après à la jolie môme !
Une page s’est fermée ; notre vie sous masque a l’rimmel qui fout l’camp, et l’âme des amants est toute nue sous le pull de laine rêche dans l’automne abandonné..