La Catalogne, riche de ses certitudes, de sa langue et de
son économie (elle concentre 20 % de la richesse nationale de l’Espagne) a
bravé l’autorité de Madrid. Elle a organisé un référendum sur son indépendance.
L’autorité centrale a réagi en envoyant les forces de l’ordre, épine martiale
aux relents de franquisme dans la chair vive d’une démocratie locale.
Sous la surveillance d’hélicoptères, mais sans user des
tanks à talents (des temps catalans) la force a frappé de son plus bel élan
militaire : urnes dérobées, descente de police dans les écoles
transformées en bureau de vote, femmes jetées à terre, êtres bousculés.
Malgré la démonstration de coercition le scrutin s’est
maintenu là où il pouvait respirer et le résultat est sans appel : 90 % de
« oui » à l’indépendance chez les 2,26 millions de votants (42,3 % de
participation).
Le président indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, se
sent renforcé dans son combat qui l’oppose au roi d’Espagne Felipe VI. En
réaction, le monarque n’a pas mâché ses mots, déclarant le référendum illégal
et affirmant son devoir « d’assurer l’ordre constitutionnel » face
aux dirigeants catalans qui « prétendent déclarer illégalement l’indépendance ».
De jure, le référendum est illégal car, selon
l'article 1 de la Constitution espagnole, «la souveraineté nationale réside
dans le peuple espagnol». La souveraineté appartient à tous les Espagnols et le
«droit à décider» revient à toute la nation dans son ensemble. La partie
ne peut décider pour le tout.
En d’autres termes, une petite région, aussi prospère
soit-elle, ne peut décider unilatéralement de faire adopter un référendum pour
décider de son indépendance.
Mais, de facto, les catalans se sentent, plus que jamais,
en droit de se sentir fiers de ce qu’ils veulent déjà appeler « leur pays ».
Avec Barcelone, attrait touristique, avec ses industries chimiques et
automobiles, avec son agriculture généreuse, la région catalane ressemble déjà
à un petit état !
Mais Madrid n’en démordra pas : l’unité hispanique
doit être conservée à défaut de sombrer dans la fracture ! Mais cette
fracture n’existe-t-elle pas déjà ? En utilisant la force, le pouvoir
royal a définitivement perdu de son crédit comme il a perdu ses prérogatives en
laissant à l’Europe des pouvoirs régaliens (ainsi que les abandonnent tous les
pouvoirs des pays membres de l’UE).
Aussi, en prenant du recul, on ne peut que percevoir une
des conséquences de l’unification européenne. A force d’affaiblir les états en
leur privant de certains droits (parfois avec leur consentement) Bruxelles
favorise l’émergence d’un régionalisme qui se dit : « l’état ne peut
plus rien donc gagnons en autorité, émancipons-nous et quittons cette Europe
qui phagocyte ! ».
Quelle que soit l’issue de ce bras de fer entre Madrid et
Barcelone, on est en droit de penser que l’Europe des régions se met en marche.
Depuis plus de 20 ans, le drapeau aux 27 étoiles (adieu la Grande Bretagne) a
flotté dans le sens d’un vent favorable aux particularismes. En 2015, à titre d’exemple,
fut élaborée la Charte des langues régionales et minoritaires.
L’appauvrissement juridique des Etats, quelque peu
programmé, se retrouve bel et bien au cœur de la problématique catalane et l’arme
se retourne contre l’Europe.
Comme dirait ma voisine, bretonne militante ayant épousé un
catalan lui-même cousin d’un basque dont l’oncle corse a longtemps milité pour
le FLNC :
- Les minorités européennes ont de l’avenir. Il y a 40 ans,
on rêvait d’une Europe sans frontières. Désormais on en fabriquerait presque à
l’envi !
Ils
ont frappé franco
Sans
distinction des êtres
Comme
des desperados
Laissant
force paraître
Ils
ont saisi les urnes
Frappé
sans contenance
Le
soleil taciturne
Brilla
par son silence
Ils
ont blessé la femme
Et
molesté l’enfance
Animé
d’une flamme
D’anti-Indépendance
Au
nom de l’Unité
De
l’Espagne éternelle
Ils
ont violenté
L’utopie
fusionnelle
Jamais
référendum
Ne
fut autant cloué
Dans
un noir décorum
Pour
illégalité
Les
yeux de Felipe
Ont
brillé de colère
Contre
les acharnés
D’un
Graal identitaire.
Le
roi, garant sacré
De
la constitution
De
souveraineté
Doit
défendre le nom
Son
ire à la hauteur
Du
défi catalan
A
porté la terreur
Au
cœur des arrogants !
Et
le bras séculier
En
Rajoy Mariano
Porta
le coup d’épée
Sur
les chants illégaux
Sur
tous ces cantilènes
Aux
accents catalans
Prônant
la souveraine
Province
des géants !
Car
l’aire de Barcelone
Se
vêt de majesté
Par
l’industrie qui prône
Sa
productivité
Par
l’éclat du tourisme
Les
fruits de son verger
L’argent
du gigantisme
Aux
doigts de ses banquiers.
Alors
l’indépendance
De
ce productivisme
Porterait
l’impudence
D’un
parfum d’égoïsme
L’hispanisme
a besoin
De
cet écrin fertile
Et
prendra tous les soins
Pour
le garder servile.
Puygdemont
n’entend pas
Les
discours madrilènes
Et
les royaux appâts
Qu’ont
entachés les haines.
Il
ira jusqu’au bout
Arborant
le scrutin
Qui
fait tordre le cou
Aux
pouvoirs jacobins.
De
Giron à Cadix
On
mesure l’ampleur
Des
brisures de rixes
La
fracture et la peur
Ce
vilain bras de fer
Un
empire menace
L’unité
de travers
Se
débat dans la nasse.
Et
l’Europe hébétée
Voit
un de ses enfants
Sous
menace avérée
D’un
bel éclatement
En
feignant d’avoir mis
Au
cœur de chaque Etat
Des
carcans endurcis
Tant
de freins aux combats
Tant
de droits régaliens
Retirés
aux nations
Pour
forcer le destin
A
sourire aux régions.
Quand
suzerains vacillent
Sous
le joug de Bruxelles
Les
vassaux se rhabillent
De
synergies nouvelles.
Le
mot régionalisme
Au
vent gonfle ses voiles
Et
voguant d’îles en isthmes
Sous
vingt et sept étoiles
Accoste
sur la plage
Sablée
d’autonomie
Mais
rêve d’un rivage
Ouverts
aux utopies
Il
reprend sa croisière
Au
gré des alizés
Qui
dressent sa bannière
De
nef inféodée
Il
naît dans le sillage
Cette
écume qui danse
Au
plus fort d’un voyage
Droit
vers l’indépendance...