Michel Galabru vient de
mourir dans son sommeil, ce 4 janvier. La mort elle cause plus…elle flingue et
vous envoie dans un linceul qui n’a pas de poches ! Papy a fait de la
résistance…mais la camarde l’aura, finalement , emporté.
Michel Galabru naît le 27
octobre 1922 soit 23 jours avant la mort de Marcel Proust, quelque part, du
côté de chez Swan. Natif de Safi (Maroc) et enfant d'un professeur de l'École
Nationale des Ponts-et-chaussées, il ne rêve que de grands ponts
mais…footballistiques. Le petit Michel veut devenir un futur Zidane quand bien
même semble s’immiscer un certain désordre dans la chronologie.
C'est pourtant le théâtre
qui finira par le capter ! Il se dit que suffit Safi où nœud des
Marocains, heu, où ne démarre aucun projet artistique. Il monte donc à Paris
où, quand un amour fleurit ça dure pendant des semaines comme dirait un
chanteur qui y allait aussi, montant jusqu’à s’ignorer tant Paris le marque.
Après deux ans de
préparation, il passe avec Succès mais sans Parcimonie le concours d’entrée au
Conservatoire d’Art Dramatique. Le jeune comédien décroche alors un premier
prix et la mâchoire à force de longues tirades shakespeariennes qui
s’enroulent dans sa mémoire comme mots
au lierre tragédien. Car le bougre est entré à la Comédie Française. Il est
digéré par Bertheau, ogre en pieds, par Charon au plus haut d’essieux ou encore
par Dux (m’a dit Dax à Aix).
Mai en 1951, Jean Devaivre
lui propose un premier rôle au cinéma dans « Ma femme, ma vache et
moi », un film qui va de mal en pis et ne passera pas à la poste hériter
d’un sésame tant il est laid et crée met indigeste. Il n’empêche, ce premier film le lance devant
les caméras et il quitte la Comédie Française en 1957 pour interpréter une
multitude de petits rôles qu’aurait qualifié le regretté Charb « haut
niais » dans des films mineurs.
A partir des années 1960,
ses rôles s'étoffent sans que le taf l’étouffe ! Il sait tôt faire dans ce
métier dont il est issu et nul ne s’avise de taire Galabru laid (ça vise deux tergal
à brûler ?). Des jaloux banni l’ont mais lui n’en a cure et grimpe, de fil
en aiguille, avec l'arrivée de « La guerre des boutons », grand
succès d’Yves Robert. Ah, mon Michel, tu quittais la tragédie et du coup tu
riais !
Puis vient la série des
Gendarmes de Saint-Tropez qui le classe définitivement dans les comiques. Sous
la direction de Jean Girault, phare des pandores, Galabru va multiplier ses
mimiques, les comiques de situation sans se départir de son air bourru et
franchouillard qu’il prête à l’adjudant Gerber, chef patenté d’un certain
Cruchot, l’inoubliable De Funès. Et crut show à en faire gerber les
allergiques !
Les cinq épisodes du
Gendarme, bien qu'inégaux, seront des succès populaires. Légendes d’art mais
que cintre haut pèze !
En 1971, le viager le vit
encore jeune pour lui proposer une nouvelle carrière. Michel aura attendu
quelque 20 ans pour que son talent soit vraiment reconnu. Lui, qui ne voulait
pas que faire rire, se voit enfin proposer des rôles dramatiques.
On le remarque d’abord dans
« Section Spéciale » de Costa-Gavras (1975) où il retrouve Dux et
Bertheau. Il touche enfin des premiers rôles, dont celui du policier pervers
(et pourtant nullement écologiste) dans « Monsieur Balboss » de Jean
Marboeuf (1975).
Mais surtout, il reçoit la consécration du meilleur acteur de
l’année, en 1976 , dans le film « le Juge et l’assassin » de Bertrand
Tavernier, où il campe le personnage de Joseph Bouvier , un assassin un peu
chien qui se garde d’être vache. Il implore qu’on le soigne et argue la folie,
une thèse que ne partage pas le juge Rousseau, interprété par Philippe Noiret.
En 1978, il entame une autre
comédie de trois barreaux, termes plus appropriés car il s’agit de «la Cage aux
folles ». Galabru s’y transforme en père serein, mais qui se perd au quai
des bonnes convenances en se confrontant au couple complètement déjanté Michel Serrault-Ugo Tognazzi. De Molière à
volière, Michel passe allègrement, mène hâte, sans se faire ara qui rit !
Dans la décennie des années
1990 Galabru se fait plus rare au cinéma
: une dizaine de rôles à peine. Un peu d’« Uranus » (un peu dur
anus ?) de Claude Berri (1990) ou « Hors jeu » de Karim Dridi (1998), dans lequel
il interprète son propre rôle à moins que ce ne soit le contraire.
En 1998, il devient le pittoresque chef d'un village
d'irréductibles gaulois dans « Astérix et Obélix contre César » de
Claude Zidi qui renégocie nid de bonnes blagues
avec le père spirituel.
En 2004, Michel Galabru est à l'affiche de deux films : San Antonio (Frédéric Auburtin) où il
donne à nouveau la réplique à Gérard Depardieu
et « Nuit Noire » de Daniel Colas.
Avec Pollux, le manège
enchanté, il prête, pour la première fois, toute toute première fois, sa voix à
un film d'animation. Il accepte un job que Patricia et Michèle avaient
décliné : à l’image de Kass, Torr hait Pollux !
Il retrouve cependant le
grand succès en 2008 grâce à Bienvenue chez les Ch’tis où il apparaît bien peu,
mais suffisamment avec son « C’est le Nooord… ! » On applaudit,
de Gall à Bruni. Mais Galabru nie tout mérite. Il reste modeste même si le film
fait 20 millions d'entrées ! Tant
d’entrées : on ne peut dire que ça l’dessert (que sale
dessert ?)
Les rires de ce film le
conduiront à une autre comédie, « Bouquet Final » mais sans Bouquet
(ni Carole ni Michel) aux côtés de Didier Bourdon et sans que ça cloche à jouer avec un inconnu : et dans ce cas rions !
L'année 2010 est l'occasion,
pour ce grand artiste, de révéler une nouvelle la palette de ses talents puisqu'il
apparaît dans deux films aux genres très différents. Il participe à la
naissance du personnage culte de Sempé (mais sans haine non plus) au cinéma
avec le film de Laurent Tiard (l’or en tiare étant réservé au Pape) « Le
petit Nicolas », un hommage au petit nerveux élyséen étant talonneur. Puis
il joue le grand-père d'une jeune fille en fugue dans « un poison
violent » de la jeune Katell Quillévéré et là, encore, c'est de l'art scénique ! La jeune cinéaste s’interroge sur
d’éventuels défauts de son premier long métrage. Galabru rassurant :
qu’a-t-elle ? Qui les verrait ?
Oui, un grand monsieur, toujours
prêt à encourager le petit dernier.
En 2008, le Molière du meilleur
comédien, est pour ce gourmand de
théâtre comme dessert né. Il a alors 85 ans et touche l’auréole pour son rôle
dans « Les chaussettes – opus 124) dont il fait une reprise qui n’dit que
des éloges !
En 2014, on le retrouve sur scène
au théâtre avec « Les Diablogues » qu’il interprète comme sur du billard, bille
en tête et sans usage de la canne. Puis il joue « Cancre » un texte
autobiographique dans lequel il revient avec malice sur sa carrière, préservée des cafards donc
de cancres las.
Puis, très marqué par la mort de
son frère Marc (octobre 2014) puis de celle de son épouse Claude (août 2015)
Michel va s’éteindre ce 4 janvier, tranquillement, dans son sommeil, à 93 ans.
Retrouvant son pote De Funès, là
haut, il lancera : c’est le Mooort !