Mamoudou
Gassama, jeune Malien sans papier, est devenu héros national en
sauvant, le 26 mai, un enfant suspendu dans le vide, accroché à un
balcon du XVIII ème arrondissement parisien.
N’écoutant
que son courage, Mamoudou s’est transformé en Spiderman pour
porter secours au petit ange, sous l’œil de caméras de passage
que sont devenues, désormais, les téléphones portables.
Les
vidéos ont fait le tour du net, des réseaux sociaux et Mamoudou
s’est érigé en héros national. Jupiter l’invita sous les ors
de l’Elysée et lui promit régularisation immédiate.
De
l'autre coté des Alpes, en Calabre, un autre ressortissant malien
Sacko Soumayla n'aura pas eu l'honneur d'être reçu par le Président
Italien. Il faut dire que la botte est en train de durcir son talon !
Désormais le pouvoir est détenu par un conglomérat de partis
nationalistes, peu enclins à couronner de fleurs les jolies colonies
de migrants qui affluent sur le territoire.
La
ligue et le mouvement cinq étoiles, suite à des élections
législatives dont ils furent vainqueurs, se sont mis d'accord pour
former un gouvernement populiste qui respire l'air du temps chez nos
voisins transalpins. Il ne fait pas bon être migrant.
Aussi,
ce pauvre Malien, a-t-il été froidement tué en dépit de sa
situation régularisée. Syndicaliste et saisonnier, il a été
assassiné alors qu'il cherchait des matériaux pour construire un
abri de fortune.
Dès
lors, les honneurs rendus à Mamoudou ne sont-ils qu'une petite
branche citoyenne dans l'immense forêt vierge des brimades,
contrôles, internements en centre de rétention dont les conditions
viennent d'être durcies par notre Ministre de l'Intérieur, Gérard
Collomb.
Notre
pays active la reconnaissance de la Nation pour un geste, certes
héroïque, mais qui ne pourrait occulter l'immense montée des
nationalismes dans cette Europe désorientée face aux flux
migratoires que génèrent les misères et les guerres des pays
abandonnés.
Une
bonne conscience que d'aucuns assimilent à des relents de
colonialisme : la République reconnaît le mérite de ceux qui
la servent et la médiatisation fait le reste. Le migrant érigé en
héros se voit solliciter de toutes parts. Mais qu'il reste lucide et
il refusera de se rendre à des émissions de télévision (comme
« On n'est pas couché » de Ruquier) en se faisant le
parangon de l’honnêteté intellectuelle et morale.
C'est ce qu'a
fait Mamoudou, avec beaucoup d'élégance. L'homme ne veut pas servir
de caution à des polémiques sur le bien fondé de la politique
d'immigration d'Emmanuel Macron. Il veut juste qu'on lui laisse la
paix et que d'autres migrants puissent être reconnus comme des
humains à part entière sans qu'il soit besoin d'accomplir un geste
héroïque ou de donner son sang ainsi que le firent, jadis, les
tirailleurs sénégalais.
Mamoudou
a connu les infâmes geôles
L'esclavage
libyen, les tortures damnées
Il
aura survécu, sous des lumières folles
Au
trajet de fortune en Méditerranée
Le
voilà, sans papier, le cœur en héritage
Cette
témérité d'humanisme nimbée
Tel
un homme araignée au delà des nuages
Il
sauvera, ce jour, l'angelot menacé.
Les
honneurs vite échoient, pour ce fait héroïque
Son
exemple le suit au sommet du pinacle
Sous
les ors d’Élysée, Jupiter, Dieu lyrique
Lui
promet le salut, des papiers, des miracles.
Sacko
n'aura pas eu, dans ce coin de Calabre
L'occasion
de briller en fringant démiurge
Sa
vie s'achèvera d'une danse macabre
Sans
le moindre salut, sans élans thaumaturges.
Dans
le feu d'Italie que ravivent des loups
L'infortuné
Malien, a donné de sa vie
Pour
vouloir simplement ne plus vivre à genoux
Il
avait des papiers, mais pas le bon pays.
Sacko
et Mamoudou, de leur source malienne
Ont
nourri des ruisseaux de courants contrastés
L'impossible
combat dans la fange italienne
La
promesse de fruits dans le verger français
Qu'on
ne se leurre pas, pour autant, le migrant
D'ici
ou bien d'ailleurs connaîtra les revers
On
durcit son chemin, hérissé de piquants
S'établissent,
latents, les paliers de l'enfer
Pour
quiconque échouera dans son utilité
Dans
sa quête à prouver son humaine raison
L'avenir
couchera sur sa fatalité
L'ombre
noire et pérenne de la malédiction.