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mercredi 22 décembre 2010

UN CONTE DE NOEL

Il était une fois un enfant père Noël qui avait vu le jour dans une ville opulente et orgueilleuse. La cigogne aurait mieux fait de se brûler les ailes quand elle alla déposer un petit angelot dans un berceau de bois exotiques rares qu’agrémentaient des draps de soie aristocratiques.

Elle aurait mieux fait ! A sa décharge il conviendra de noter que son GPS (Ah, les promos Darty !) était quelque peu défaillant en cet hiver brumeux. Elle se trompa de route et de maison. Parfois le destin ne tient qu’à d’infimes détails météorologiques.

L’enfant grandissait en ambition démesurée. Ses parents s’inclinaient devant chaque caprice exprimé de façon péremptoire qui dépassait l’insolence. Le chef des Pères Noël, de son nuage lointain, vit avec effroi l’évolution psychologique de ce petit être orgueilleux et envoya la fée Mélusine pour y remettre de l’ordre.

Mélusine Hengraive n’avait pas toujours été fée. Elle avait connu un parcours atypique qui lui avait fait rencontrer des hommes humbles, courageux et exhalant des fragrances de sueur stakhanoviste. En réalité, elle avait été syndicaliste forcenée avant que d’abdiquer face à l’inanité de ses efforts pour refaire le monde. Elle avait suivi un stage intensif pour obtenir le titre de fée. En obtenant le statut de bonne dame de la Providence elle aurait plus de chance d’orienter les conjonctures vers la justice sociale.

Avec son superbe CV elle n’eut aucun mal à trouver un poste chez le Père Noël qui recrutait à tours de bras eu égard au consumérisme débridé de la fin d’année. Par ailleurs, le vieil homme à la barbe d’argent n’avait de cesse que son image de marque ne se redorât après les sinistres conséquences de la diffusion d’un film (lui-même tiré d’une pièce de théâtre) élaboré par un groupe de malfrats dénommé bizarrement « les bronzés ».

Mélusine passa par la cheminée et entra dans la chambre du tyran en culotte courte :

- Qui es-tu, lança l’enfant indomptable, que viens-tu faire dans ma chambre ?

- Je suis Mélusine et le Père Noël m’envoie ! Il doit te remettre dans le bon chemin ! N’oublie pas que tu es un Père Noël apprenti en devenir ! Plus tard tu donneras des cadeaux aux autres ! Il te faut oublier ton égo pour penser à autrui ! Par mégarde la cigogne t’a fait grandir dans cette cité de nantis ! Ce n’est guère ta faute ! On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas famille, on ne choisit pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger pour apprendre à..

- Ta gueule, je ne te demande pas de me chantonner du Maxime le Forestier ! Venons-en au fait ! Que me veux-tu ? C’est quoi cette histoire de Père Noël apprenti ?

Mais plutôt que de répondre Mélusine lui envoya un coup de baguette magique qui, à l’instar d’un Taser homologué, assena au mouflet une décharge électrique du plus bel effet !

- Oh, zut, se lamenta Mélusine, j’ai dû forcer la dose ! Désolé mon enfant ! D’habitude ma baguette envoie un jet d’eau glacé ainsi que le ferait un Karcher !! J’ai dû me tromper de formule !!

L’électro choc produisit son effet immédiatement ! L’enfant sortit tous ses jouets de son coffre et les emballa.

- Que fais-tu, lui demanda Mélusine ?

- Tu le vois bien ma grande : j’emballe mes jouets et je vais les offrir à tous ces pauvres gamins des banlieues ! J’y vais de ce pas !!

Estomaquée la brave fée observa, en témoin placide, à la métamorphose de l’enfant. Le démon devenu ange enfila sa panoplie de Père Noël (qu’il avait boudée jusque-là) et sortit dans le grand froid, une hotte haute débordant de cadeaux !!

Il arpenta l’avenue agrémentée de riches propriétés que la neige recouvrait de son manteau immaculé. Par endroit le givre avait sculpté quelques stalagmites sur le contour des gouttières. Plus loin, une superbe Porsche 9FF GT9 ne soupirait plus « j’étais neuve » tant son triste capot embrassait un réverbère très mal placé, à proximité d’une plaque de verglas.

Il doubla l’allure risquant à chaque pas de glisser sur quelque trottoir givré. Puis il atteignit la banlieue, grise, hérissée de buildings anonymes que quelques guirlandes surannées tentaient désespérément d’enjoliver.

Il sonna à chaque porte de chaque étage. Il prodigua sourire et mots d’encouragement pour la nouvelle année !! Il vida sa hotte tant et si vite qu’au cinquième étage du premier immeuble il se retrouva nu !! Qu’allait-il faire ? Il se rappela que la fée lui avait laissé un numéro de portable au cas où il aurait des problèmes. Il l’appela.

- Allô, Mélusine, oui c’est moi, Nico… Oui, l’apprenti Père Noël ! Je suis à court de jouets !! Pourrais-tu demander au grand chef de m’approvisionner en gâteries, jeux, poupées, trains électriques, enfin tout ce qui est du domaine ludique !

- Je suis désolée petit, lui répondit la fée, mais je ne peux rien pour toi ! Tu ne devais pas partir si vite car Noël n’est que dans trois jours !! Pourquoi t’es-tu précipité ? J’ai tout de suite senti que tu étais hyperactif !! Attends les ordres ! Reviens chez toi ! A l’heure dite le grand chef t’adressera par colissimo les paquets avec adresse précise des destinataires !! Mais ne fais rien tout seul !!

Le petit Père Noël se renfrogna ! Déçu par cette réponse il poursuivit sa quête de gentillesse. Dépourvu de tout présent matériel il se cantonna dans la distribution de jolies promesses de cadeaux ! Au seuil de chaque porte il clamait à l’enfant qui venait l’accueillir :

- Bonjour petit ! Dans trois jours c’est Noël !! Que veux-tu comme cadeau ? J’exaucerai tous les vœux ! Je prends note ! Dis-moi !!

Il s’entendait répondre de multiples formules qui allaient du « je sais pas quoi demander » à « on a déjà donné » en passant par « chez nous on est musulman, alors Noël ! » !

Il y eut quand même des gamins pour lui demander des tonnes de jouets ! Il nota scrupuleusement tous les désidératas sur un calepin. Il réitéra la promesse que chaque vœu serait exaucé !

Le cœur léger il revint chez lui !! Il allait téléphoner directement au chef pour obtenir ces cadeaux tant désirés. La fée Mélusine, en l’amadouant un peu, daignerait bien lui communiquer le numéro du grand chef !! Absorbé par ses pensées il ne vit pas une Ferrari F50 quitter lamentablement le couloir de droite en raison d’un verglas tenace et bifurquer vers le trottoir de gauche, celui-là même où il se pressait d’un pas leste !

Il n’aurait jamais dû suivre le trottoir de gauche !

Le choc fut effroyable ! La mort subite !

Le Père Noël perdit un apprenti et dut faire appel, en toute hâte, à du travail intérimaire.

Les promesses ne furent jamais tenues !

Les enfants de la banlieue se révoltèrent !! Ils brulèrent l’effigie du Père Noël !!

J’ai dû mal à trouver une morale à ce conte ! D’ailleurs, est-ce un conte ? Normalement un conte doit bien se terminer !!

J’ai dû me tromper dans le scénario, mais où ?