L'horizon de lignes courbes
Doux chapelet de collines
S'éternise en longues tourbes
Frisées de forêts câlines
L'air s'emplit de ces
fragrances
Aux accents de champignons
Un passereau du silence
Trouble l’onde de chansons
Le craquement des feuillages
Sous la lumière endormie
Une rouille de ramages
Dans les sous-bois alanguis
La main resserrant sa main
Blotti sous le chaud des
laines
Sans penser aux lendemains
Mais l’âme engourdie de peine
Alep si loin, son enfance
La promesse des beaux jours
L’université des chances
Puis le chaos des tambours
Ici le temps fait des brumes
Les prémices d’embellie
Là-bas des nuits
s’accoutument
Aux brisures des tueries
Alep si loin, ses croyances
Dans les voies d’humanité
Puis l’enfer de la souffrance
Et l’espoir abandonné
Son père tombé sous les
bombes
Son vieil oncle déclinant
Sous les tentures de tombe
Près d’un cèdre du Liban
Il mesure l’intime chance
Le bonheur d’avoir marché
Dans cet univers d’errance
Le long de ces voies ferrées
Il est là, au cœur de France
Sous les paupières ensablées
D’un désert de violence
Ses yeux noirs brillent,
étonnés
L’horizon de lignes courbes
Apprivoise son regard
Mais en sa mémoire fourbe
Le sang jaillit sous le fard
Alep si loin des charmilles
Mousses affleurées au
ruisseau
Ondulations qui frétillent
De ses poissons alluviaux
La main posée sur sa main
L’amour ouvert aux promesses
Mais tant de cris inhumains
Dans les plis de sa détresse
La campagne emmitouflée
Dans sa langueur automnale
Là-bas l’enfer des brasiers
Les cruautés infernales
Alors d’un contemplatif
Regard sur le monde atone
Apprêté de tons plaintifs
Il s’engage dans l’automne…