Nous venons d’apprendre la mort de Jorge Semprun à l’âge de 87 ans, ce mardi 7 juin, au soir...
Semprun aura été une mémoire du XXème siècle. Un XXème siècle qui connut deux terribles guerres mondiales et deux idéologies meurtrières. L'écrivain et ancien ministre de la Culture espagnol aura subi, dans sa chair, l’idéologie nazie. Résistant au nazisme, il sera déporté au camp de Buchenwald.
Mais il aura été, également, le témoin du stalinisme et de ses terribles déviances.
Communiste de cœur il finira par se faire exclure du Parti Communiste Espagnol, en 1964, à la suite de longues divergences avec le chef du Parti, Santiago Carrillo.
Son cœur reste à gauche mais de façon plus modérée.
C’est ainsi qu’il deviendra Ministre de la Culture d’un gouvernement espagnol, celui de Felipe Gonzalez, de 1988 à 1991.
Bien qu’un homme politique Jorge Semprun est un merveilleux défenseur de la langue française. Sa vie sera consacrée à l’écriture, en français comme en espagnol.
En 1969, son roman "La deuxième mort de Ramon Mercader" obtient le prix Femina.
Il mettra la main à la pâte au service du 7ème art puisqu’il signera l’adaptation et les dialogues des films de son ami Costa Gavras : "Z" (1969) et "L'aveu" (1970).
Mais surtout on retiendra de lui ce livre magnifique d’émotion et d’intelligence : L’écriture ou la vie.
Dans cette œuvre, parue en 1994, Jorge Semprun évoque ses deux années de déportation à Buchenwald sous le matricule 44 904, mais aussi sa soif inaltérable, après sa libération, de revenir dans la vie, d’aimer des femmes et de renaître au monde. Semprun restitue l’horreur du camp, les rigueurs de la neige, la fumée des crématoires et l’odeur indéfinissable des corps brûlés.
Et c’est ce témoignage que les futures générations doivent recevoir comme un grand coup dans le cœur. Pour que plus jamais la bête immonde ne tue nos espoirs d’humanité…
L’écriture ou la vie
En dépit du néant
De l’indicible vent
Des sinistres folies.
Une plume en mémoire
Pour graver les instants
De l’effroyable camp
Des sanglots de l’histoire.
L’écriture impuissante
Face aux corps calcinés
L’odeur d’humanité
Brulée par l’épouvante.
L’écriture pour la vie
Pour ne pas oublier
La brebis torturée
La nuit des barbaries.
La vie pour l’écriture
Plus qu’un prix Fémina
Une vie de combat
Littéraires blessures...
L’écriture d’une vie
Tout de mots parsemée
Tout de phrases bercée
Pour l’espoir infini.
L’écriture vivante
Dans le feu de Gavras
Dans les rêves qui tracent
L’utopie séduisante.
L’écrit nu dans sa force
Dans son souffle puissant
Dans l’amour du vivant
Dans l’espoir qui s’amorce.
L’écriture de Semprun
Pour le choix de la vie
Qu’un refus de l’oubli
Guida sur le chemin.
L’écriture de la vie
Jusqu’au souffle dernier
Pour que, l’ombre passée
Refleurisse l’envie.
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