Le philosophe André Glucksmann, né à
Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 19 juin 1937, vient de rendre
l’âme, son dernier soupir et l’antenne à ceux qui lui feront hommage, fans
comme détracteurs, puisqu’il en est ainsi quand quelqu’un disparaît !
L’homme s’est éteint à Paris, dans la nuit du 9 au 10 novembre, en
nous laissant au cœur comme un goût d’inachevé. Sa voix aurait pu encore vibrer
de mille cordes pathétiques, colériques, exhortant à se battre contre les
injustices pérennes et la menace de taches brunes qui, déjà, parsèment l’Europe.
Enfant juif, rescapé de la Shoah, André
Glucksmann conservera jusqu’à sa mort, la haine des dictatures.
Plongé dans Mai 68 il en épousera les effluves
maoïstes avant de s’en détacher face à l’ampleur de la purge des intellectuels
chinois ! Il se rapprochera alors des deux frères ennemis, Jean Paul
Sartre et Raymond Aron avec qui il se rendra à l’Elysée pour convaincre VGE d’aider
les réfugiés vietnamiens quittant l’enfer
sur leur boat people.
Il enterre alors et définitivement tout
approche marxiste tant le communisme l’aura dénaturée au fil des purges et des
goulags si bien décrits par son ami Soljenitsyne.
Associé au mouvement des nouveaux philosophes
il s’inscrit dans une dynamique militante et interventionniste en rejetant tout
pacifisme bêlant, improductif à ses yeux.
Aussi, se battra-t-il pour Sarajevo et contre
la face hideuse de la Grande Serbie incarnée par Milojevic. Il prendra position
contre Poutine, le nouveau tsar qui désigne le Tchétchène comme le bouc
émissaire par excellence.
Sa voix est vibrante et charismatique !
On l’écoute. Il sait en profiter pour émouvoir et déclencher les consciences
pour le combat de causes qu’ils estiment justes.
Mais l’être humain n’est pas sans faille. Il
soutiendra Nicolas Sarkozy en 2007 ! Quelques années avant il n’avait pas
vu d’un mauvais œil la croisade de Bush contre l’Irak accusé, à tort, de
détenir des armes de destruction massive.
Il acquiescera, tout autant, l’intervention en
Libye sans imaginer le chaos futur qui en résultera.
Il se repentira de son soutien au petit
Nicolas quand ce dernier continuera à courtiser Poutine sans ambages.
Il repose désormais et on oublie déjà ses
petits égarements.
Il demeurera éternellement une voix, un cri de
révolte, une conscience incarnée contre les dysfonctionnements planétaires et
le vilain sort qu’on réserve aux minorités, aux réfugiés, aux sans grande.
Repose en paix, André !
A nous de poursuivre ton combat, à chercher la
lumière quand bien même l’obscurité peut nous aveugler.
Enfant de la Shoah, rescapé de l’enfer
L’étoile jaune au cœur des années sanguinaires
Tu garderas en toi la nausée de la haine
Les chants des dictateurs et l’humaine géhenne.
Tu poursuivras crédule les aurores maoïstes
Émergeant d’une plage aux pavés bellicistes
Nimbé de lueurs floues aux halos d’utopie
Tu marcheras perdu dans l’impossible nuit.
Le grand soir te prendra en tes rêves d’errance
Sous le vent de Mao aux marxistes fragrances
Emportant quelque fois cette faim d’horizon
Dans les méandres gris d’indicibles démons.
Tant de corps sacrifiés, tant de barbelés noirs
Tant d’espoirs avortés dans le fil de l’Histoire
Sabreront les monceaux des dernières illusions
Dans les remugles gris d’impossibles raisons.
Ils viendront te cueillir Jean Paul Sartre et Aron
Comme un beau fruit mûri de féconds horizons
Jus de philosophie au zeste humanitaire
Que boiront, assoiffés, les parias de la terre.
La terreur de Saïgon fait jeter sur les mers
Des coquilles de noix, des rafiots salutaires
Boat People échoués sur ton cœur humaniste
Jetteront le fardeau des années communistes.
Une voix, la colère sous la crinière grise
Des combats solitaires qui parfois dynamisent
Dans les prismes d’écran le réveil des consciences
Et les luttes armées abreuvées d’impatience
Pacifisme bêlant relégué sous la toise
Au nom des droits de l’homme ton esprit s’apprivoise
Aux martiaux chants d’honneur de l’interventionnisme
Tu prôneras la guerre pour sabrer les fascismes
Souffles impétueux, aux splendeurs reconnues
Pour les rues libérées de Sarajevo nue
Véhémente faconde pour tenter de briser
L’hécatombe Tchétchène par Poutine attisée.
Mais lauriers voleront vers des cieux plus funestes
Quand ton choix portera sur quelque manifeste
Souillé de polémiques : la croisade en Irak
Sur un mensonge pieux voilant le démoniaque.
Tout autant terniront, avant le repentir
Les soutiens surprenants au gré de tes soupirs
Pour le roi Nicolas et sa guerre en Libye
Tu t’en éloigneras au fil de tes ennuis.
Un faux pas ressenti comme vive traîtrise
Pour qui te gauchisait en sa triste sottise
Tu n’avais que cherché au
plus profond de toi
L’inconnue vérité qui nous glisse des doigts…
Repose en paix, penseur, philosophe guerrier
Pourfendeur des ténèbres, pétri d’humanité
Ta voix nous manquera dans le concert du monde
Où geint le réfugié, où crie la bête immonde.
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