Bruxelles vient de sortir de quatre jours
de paralysie.
Quatre jours, plus longs que des nuits, à
observer de son balcon la solitude des soldats et des blindés, à l’affût de la
moindre menace terroriste.
L’alerte maximale a rendu la ville
quasiment morte.
On craint les répliques d’attentat de
Paris.
Si les forces de l’ordre sont à la
recherche de plusieurs suspects, elles traquent prioritairement Salah Abdeslam,
un Français de 26 ans résidant en Belgique qui a joué un rôle de logisticien dans
les attentats de Paris qui ont fait 130 morts. Neuf jours après, il reste
introuvable alors qu’on vient de retrouver, à Montrouge (Hauts de Seine). une
ceinture d’explosif qui aurait pu lui appartenir et qu’il n’a pas su activer !
L’homme ne s’est pas fait exploser !
A-t-il soudain renoncé à l’image du martyr ? Une peur humaine et viscérale
s’est-elle soudain immiscée dans son être programmé pour l’apocalyptique
hécatombe ?
Salah, qualifié d'« ennemi public
numéro un » par la presse belge, aurait été exfiltré vers la Belgique,
selon deux hommes qui disent l’avoir aidé.
Sa renonciation au sacrifice suprême peut
lui valoir les foudres de Daech, son commanditaire. Peut-être ses compagnons d’armes
l’ont-ils déjà pourfendu pour n’avoir pas été jusqu’au bout du combat !
Peut-être est-il toujours en vie, rôdant
à Bruxelles ou se cachant dans quelque cave ou appartement vétuste en faisant
le mort.
Bruxelles n’en sait rien et Bruxelles se
protège à sa façon.
Quadrillage de la ville, fermeture d’écoles,
d’université, de métros…
Paralysie officialisée, peur latente,
attente auréolée d’incrédulité.
Pour un seul homme ? Pour un groupe
de tueurs de sa mouvance, près à commettre l’irréparable ?
Bruxelles ne veut pas prendre le risque
et revêt les oripeaux du fantôme…
La ville ne respire plus
Sous l’étau de la menace
Les façades dans la nasse
Tremblotent sans retenue
Le long des pavés mouillés
De la somptueuse place
Un soldat qui se déplace
La mitraillette aux aguets
On a fermé les écoles
Et les universités
De Brouckère vient d’héberger
Un métro sous camisole
Un décor fantomatique
D’une alerte maximale
Le prix d’un piège infernal
D’un Coran sous fanatiques
Au croisement de l’étuve
Et du chêne déprimé
De son jet trop angoissé
Manneken sent quelque effluve
L’émanation éthérée
D’urbanités angoissantes
Exhalées de peaux pesantes
De silences oppressés
Salah rôderait ici
Enfermé dans ses fantômes
Sous les sphères de l’Atomium
En novembre refroidi.
Salah, l’ennemi public
Traqué comme un rat de pluie
Jusqu’au plus noir de sa nuit
De planètes chaotiques.
Il se refusa d’occire
Au feu de déflagrations
Son corps ; belle abdication
Du culte ouvert aux martyrs
Salah pris d’incertitude
Dans son combat névrosé
Quand se baissent les volets
De boutiques d’hébétude
Éclair de lucidité
Dans cet orage assassin
Ou peur en peau de chagrin
En prélude au feu damné ?
La ville suffoque au tempo
Des battements de son cœur
Ses incompressibles peurs
Le claquement de ses os
Le prix du renoncement
Par ses pairs est établi
Mort à lui s’il a trahi
Et que l’emporte Satan !
Salah torturé d’envie
De se rendre aux policiers
Quand résonnent le clocher
Royal de Sainte Marie…
La ville nimbée de torpeur
Anesthésiée de blindage
Au gré de ses quadrillages
Prend de grisâtres couleurs
Pour un seul homme en cavale
Dont certains croient qu’il n’est plus
Cafés, terrasses, se sont tus
Loin des bières abbatiales
La ville en sa peur s’enkyste
Sous le ciel gris pris d’antennes
Captant l’onde kafkaïenne
De présages pessimistes…
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