Jo Cox, députée pro-UE au Royaume-Uni, mère de famille et délicieuse personne aux dires de ses proches, vient de mourir sous les coups sauvages d’un détraqué.
Jo, paye de son sang, le prix d’un
référendum que d’aucuns, sur l’île de Sa Majesté Elizabeth II, jugent déjà
comme dangereux car il va provoquer un antagonisme profond au sein du
microcosme politique et diviser durablement la société civile.
De quoi s’agit-il ? Tout
simplement de savoir si le Royaume-Uni va rester dans l’Union Européenne. Le
premier ministre britannique, David Cameron, a lancé le référendum sur le
Brexit (sortie de l’UE) comme une vieille promesse de campagne.
L’homme est plutôt pro-européen et
vient d’obtenir, lors d’un sommet européen des 18 et 19 février, des
satisfactions notables :
·
Sur l'immigration, une
clause de sauvegarde de sept ans a été accordée au Royaume-Uni sur certaines
aides sociales pour les nouveaux migrants. Cette clause permet de limiter les
versements selon une échelle graduelle. Londres pourra ainsi indexer les allocations
familiales au niveau de vie du pays où vivent les enfants.
·
Sur la souveraineté,
le Royaume-Uni a obtenu la mise en place d'un "carton rouge", soit la
possibilité de s'exonérer d'un traité si
une alliance de 55 % des votes alloués aux parlements nationaux est
réunie.
·
Sur la gouvernance
économique, David Cameron, qui craignait que Londres ne fût pénalisée par son refus d'adopter l'euro,
affirme avoir obtenu des garanties pour protéger la City contre toute
discrimination. Il indique que l'UE a reconnu "pour la première fois"
qu'elle avait plusieurs monnaies.
·
Sur la compétitivité, Cameron
a obtenu un accord pour "améliorer la compétitivité" et prendre
"des mesures concrètes" pour avancer.
Mais, poussé par l’extrême
droite et ne voulant pas se dérober à sa promesse de campagne, Cameron a
finalement cédé aux sirènes de la consultation populaire. Le référendum aura
bien lieu. Logiquement il doit se dérouler ce 23 juin 2016.
Mais, lors de tout débat politique
décisif, chaque camp a tendance à stigmatiser l’autre. La diabolisation s’enracine.
Les Britanniques favorables au maintien
du Royaume-Uni dans l'UE sont considérés
comme les serfs d'une bureaucratie
technocratique irresponsable, comme des parjures au royaume, comme des tristes
sires ne pouvant bâtir leurs arguties que sur le réflexe de la peur !
Les partisans du maintien dans l'UE
taxent leurs détracteurs d’obscurantistes, de réactionnaires incultes, d’anglicans
bornés, paralysés par la peur de l’Europe dans un contexte international qui
exige, tout au contraire, de faire confiance à l’unité des pays.
C’est dans un tel
contexte de déchirement que Jo Cox vient de succomber, au milieu des mille mots
de haine et d’ostracisme qu’on se lance, à la légère, entre les deux camps.
« Mort
aux traîtres, liberté pour le Royaume-Uni », a lancé Thomas Mair, 52 ans, le
meurtrier présumé de la députée lorsqu’il a été invité à décliner son identité lors de sa
première comparution devant le tribunal de Westminster.
L’homme
souffre de déséquilibres mentaux et, apparemment, aurait fait allégeance à un
parti néo-nazi. Mais le passage à l’acte s’inscrit surtout dans un climat de détestation
où les arguties délétères déchirent le tissu social du royaume.
Jo
Cox, petite flamme d’humanité, le cœur ouvert aux migrants et aux plus démunis,
vient de mourir pour ce qu’elle représentait : la confiance en l’avenir de
l’Europe, la foi dans la construction d’un bel ensemble de peuples dans lequel
une île, aussi souveraine soit-elle, serait capable d’apporter son écot.
Jo n’ira plus dans sa péniche au bord de la Tamise
On l’a tuée pour ses idées, feux de fraternité
Son sang versé au cœur des mots qui se déshumanisent
Son âme emportée loin des flots de l’agressivité
Son pauvre corps martyrisé en drapeau symbolique
Réunifie pour quelques jours le royaume éclaté
Trop de passions exacerbées en haine diabolique
Sortir ou pas ? Une question aux éclats meurtriers.
Thomas de son esprit simplet a dirigé les armes
Avait-il au fond de son âme la noirceur terroriste ?
On hésite encore à le dire du plus profond des larmes
Le ciel aimerait tant revoir sa couleur pacifiste.
Jo n’ira plus chanter au monde les couleurs de la vie
Le grand blanc d’une paix syrienne, le vert de l’espérance
Pleurent les âmes embrumées de Londres abasourdie
Dans le parfum des roses en deuil, sous le poids des
souffrances.