Dans un pays
imaginaire plongé en plein réel, la compagnie des fées sent son corps occis,
mort.
Les dames
des contes de fée ont des comptes défaits et le dépôt de bilan n’est pas loin.
La compagnie
des fées, malgré tant de vicissitudes liées à une conjoncture déprimée, ne perd
pas espoir et s’accroche à ses baguettes quand bien même le pouvoir magique se
réduit à un simple effet placebo.
Pour autant,
Mélusine Henroute, la fée supérieure, y croit. Elle pressent un retournement de
la situation. On parle d’aides de l’état et surtout les taux à long terme
accusent une chute sans pareil. Il est peut-être tant d’emprunter pour
augmenter le capital : ah, vous aimez les taux, fées !
Ces
prévisions optimistes ont le mérite de booster toute la compagnie qui commence par
se transformer en SARL. On installe un organigramme précis et efficace. Mélusine,
gérante, nomme deux sous-fées dont la principale charge sera de négocier
avec un gouvernement formé de mages. On effectue un brainstorming pour décider
ce que les sous fées offrent aux mages : débours sains permettant de
compter sur roc fort !
Résultat :
la société des fées rachètera une manufacture textile qui périclite. Il s’agira
de prouver qu’elle est capable de maintenir l’emploi tout en évitant l’invasion
des capitaux chinois.
L’état gère
à partir de petits locaux situés dans des abers. L’odeur de l’amer imprègne les
ans bruns des services déconcentrés. On oriente les deux sous-fées vers le
local des aides à l’économie :
-
L’économie ?
Cet aber ci !
Nul répit
pour admirer la mer, point d’instant d’extase devant les remous salins :
il faut faire vite ! Les deux sous-fées exposent leur plan de
bataille : montant de l’aide requise, stratégie de relance qui s’appuie
sur une segmentation plus restreinte du marché : les dessous chics, de
luxe.
Le mage qui
rend au mage au keynésianisme voit d’un bon œil cette relance de l’activité
textile sous l’impulsion des aides étatiques et soutient gorge chaude. Il fait parapher par fées un contrat
parfait : aide de l’état et prêt bonifié contre maintien de main d’œuvre.
Le combat
commence. Le scepticisme envahit les ouvriers : est-ce que cette compagnie
crée mieux et a les vivacités (Halévy va citer ?) pour faire de nouveaux
paris ?
Or fées
osent en faire ! La production des dessous a le dessus sur la concurrence.
La crainte initiale de ne pas voir dans les fées la capacité de supporter des
faix se défait : plus jamais la présence de fées n’est hantise !
La gamme
« trop-fée ! » gagne des parts de marché !
La
concurrence décline et des efforts faits par ces fées paie les forfaits.
Mélusine
rachète la concurrence et crée de nouvelles fabriques.
C’est alors
que l’état décide de donner un coup de pouce à l’intégration des handicapés
dans les entreprises. Un quota de 6% de travailleurs handicapés (par rapport à
l’effectif total) est exigé. A défaut, l’entreprise devra verser une amende à
l’"âgé flippe", une association qui vient en aide aux seniors sans
travail.
La sous-fée
Elvire Jamépersone, la plus laide des
deux mais néanmoins (nez en moins) DRH de service, se plie à la nouvelle règle.
Elle embauche des nains (le nanisme étant répertorié dans la liste des
handicaps) et les forme avec bienveillance.
L’histoire
se termine donc par ce très navrant calembour :
Au travail laide sous-fée mit nains.
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