La langue
française s’est invitée dans campagne électorale d’une manière surprenante par
l’entremise de la clause Molière. Non, il ne s’agit pas d’imposer aux candidats
l’usage systématique du subjonctif imparfait encore eût-il été formidable qu’ils
le réinstallassent sur le piédestal plutôt qu’ils ne le cachassent sous le pied des stalles de notre grande
église laïque.
Non,
la clause Molière évoque Poclain et les planches des chantiers, les colles des
familiers Placoplatre. La clause Molière concerne les chantiers et rend
obligatoire l’utilisation de la langue française en ces lieux de labeur où la
mise en troupe nécessite un minimum de communication. Que le patron se dise, en temps de bourre : j'ois gentils hommes ! Le gentil, en l’occurrence, est celui qui parle couramment notre langue.
La
clause est née à Angoulême, en 2016, à l’initiative d’un certain Vincent You,
pas las d’être autant (youpala des trottants ?) captivé par la bonne
organisation des chantiers. Or, dans bien des cas, You jetait la pierre sur
cette vilaine habitude d’employer des travailleurs détachés, des gens venus de
l’Europe des 28, qui ne parlent pas français mais qu’on embauche d’autant plus
facilement pour des raisons d’économie.
En
effet, le Polonais, le Bulgare, le Tchèque, employé sur un chantier français
coûte moins cher que l’ouvrier français car le patron paie les charges sociales
du pays d’origine, bien inférieures à celles de notre bel hexagone.
- C’est légal, dirait un candidat aux présidentielles dont les épais sourcils
cachent encore quelques précieuses ridicules.
Oui,
bien sûr, c’est légal et l’effet d’aubaine se vérifie : le nombre de
travailleurs détachés est passé de 7.500 en 2000 à plus de 286.000 en 2015.
Alors,
bien qu’attachant et tâchant de ne pas
entacher les temps chauds des chantiers, le travailleur étranger n’en
représente pas moins une menace pour l’emploi de l’autochtone.
Alors
la clause Molière, en Tartuffe patenté, impose sa loi. L’entrepreneur du
bâtiment, pour répondre aux appels d’offre des régions ayant adopté la clause
(Pays de la Loire, Haut de France, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes et
dernièrement Île-de-France sous l’impulsion de Mme Pécresse) devra s’assurer
que ses employés parlent la langue de Molière, voire apporter le remède sain
malgré lui.
A
défaut, la clause lui imposera d’embaucher un interprète dûment assermenté auprès
d’un tribunal.
Il y
aurait là une belle opportunité pour faire venir des interprètes afghans que le
gouvernement français laisse croupir à Kaboul alors qu’ils ont servi notre pays
dans la lutte contre les Talibans. Menacés par les fous de Dieu, ils restent
terrés dans leur maison en attendant un hypothétique droit d’asile.
Oui,
on pourrait les voir ici, usant de leur art s’il se confirmait une pérennisation
de la disposition. Mais rien n’est moins sûr. La clause pourrait avoir cause
close tant on glose ! Elle a même mis d’accord, en une ire commune, Mr Gattaz, le chef des patrons (Medef) et la
CGT, le syndicat le plus gauchiste qui soit. Une première ! L’un comme l’autre
fustigent la mesure.
Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du
favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et
puis vous finissez par sortir de l’euro, s’est
exclamé Gattaz, non sans songer à une certaine Marine, s’offrant le flanc au franc et redonnant
l’âme à ses douanes.
Martinez, le moustachu cégétiste y va de sa petite chanson :
Molière
ne règle en rien la question du travail illégal ! La mesure et purement
électoraliste et vise à marcher sur les traces du FN, partisan de la préférence
nationale !
J’ajouterai
à ces diatribes l’argument du coup de bâton pour les travailleurs détachés français qui sont
presque 200.000 à l’étranger ! On pourrait imaginer une clause
Shakespeare, un dispositif Goethe, une règle Kafka et que sais-je encore !
La propagation de l’œuvre discriminatoire serait alors amorcée.
La
tour de Babel européenne deviendrait allergique aux tours de babils, ces petits
bavardages enfantins aux syntaxes approximatives qui fleurissent sur les
chantiers et dont le noble mérite est d’unir des travailleurs de tous
horizons, d’établir un contact pittoresque à base de gestuel, d’expressions
faciales et de mots délicieusement écorchés.
Tout
une linguistique disparaîtrait, bée, étonnée de se voir ainsi bétonnée, privée de l’exotisme des musicalités
phoniques et du cosmopolitisme verbal.
Les patrons favorables à la clause me diront : communiquer avec un langage commun permet de mieux finaliser la tâche, d'acherver parfaitement la courbe qui surplombe une fenêtre.
- En nette voussure ?
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