Simone Veil vient de nous quitter, ce 30
juin 2017, et un hommage national est
déjà prévu, aux Invalides, pour mercredi 5 juillet.
Simone Veil est, d’abord, la femme qui
permit l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à une époque où beaucoup de
femmes se faisaient avorter clandestinement avec des risques sanitaires
énormes. L’avortement était alors condamné.
La loi qui porte son nom entre en
vigueur le 17 janvier 1975 tandis que Valéry Giscard d’Estaing préside le pays
assisté de son 1° ministre corrézien Jacques Chirac (qui claquera bientôt la porte !)
Devant le Parlement composé d’hommes
Simone défend sa loi. Elle n’ignore pas que l’avortement c’est la mort d’un
enfant à venir, mais elle défend d’abord le droit des femmes, celles qui ont
été victimes d’un viol, celles qui ne savaient pas pour la contraception parce
que pas encore bien enseignée, pas suffisamment vulgarisée…
Devant les députés elle se bat. On lui
lance à la figure l’argument d’euthanasie légale. Ça la renvoie terriblement à
son passé douloureux.
Car Simon Veil, née Jacob, a connu la
déportation et s’est retrouvée au camp d’Auschwitz-Birkenau avec sa famille, en
avril 1944. Elle a connu l’enfer. Ses deux sœurs, Madeleine et Denise, et
elle-même ont été les seules survivantes !
Une blessure indélébile et sa marque
sous la forme d’un matricule 78651 qui la suivront toute sa vie.
Après la Libération, elle reprend de
brillantes études et décroche une Licence de droit. Puis elle intègre l'Institut
d'Etudes Politiques de Paris. Elle entame alors une carrière dans la magistrature
attachée à la direction de l'administration pénitentiaire du ministère
de la Justice. En 1970, elle
devient secrétaire général du Conseil Supérieur de la magistrature.
Et puis Giscard d’Estaing est élu à la Présidence de la
République ! Ministre de la Santé, elle obtiendra donc le vote d’une loi
sur l’IVG, qui ne fait toujours pas l’unanimité.
En juin 1979, elle est élue député au
Parlement européen et quitte le gouvernement. Elle devient la première femme à accéder à la présidence du Parlement
européen (1979–1982). Mais, à l’époque, le Parlement n’est que
représentatif, il n’a aucun pouvoir. Il faudra attendre le traité de Maastricht
(1993) pour voir le Parlement se doter du droit de bloquer un texte, sous
conditions !
En 1993, elle quitte l’Europe et rejoint
à nouveau le gouvernement. Le 30 mars 1993, elle est nommée Ministre d'Etat,
ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville dans le gouvernement
d'Edouard Balladur. En mai 1995, après l'élection de Jacques Chirac à la
présidence de la République, elle quitte le gouvernement.
Simone Veil rentre alors au Conseil Constitutionnel
(1998–2007). Parallèlement, elle poursuit son devoir de mémoire et préside
la Fondation pour la mémoire de la Shoah (2000–2007). L’académie française lui
ouvre les portes. Elle fera graver sur son épée le fameux matricule.
Elle décède à l’âge de 89 ans, laissant planer
sur tout le pays un sentiment d’émotion forte tandis que quelques esprits chagrins continuent à éructer sur sa
dépouille encore fumante des anathèmes d’un autre temps.
Le droit à l’avortement n’a rien d’acquis.
Beaucoup de pays voudraient le voir supprimer. L’esprit rétrograde souffle, l’ultra
catholicisme attise des braises, en Pologne, au Portugal, en Espagne, aux USA...
Simone Veil est morte en nous laissant
les perpétuelles questions sur la vie et la mort ! Son combat doit
continuer : droit à la liberté, droit à décider de son corps, droit de
considérer l’avortement comme l’unique solution dans les cas les plus
désespérés sans imaginer qu’il puisse se qualifier « de confort ».
Et surtout : droit à vivre en paix
dans une Europe réconciliée.
Une telle perspective se nourrit aussi d’un
devoir de mémoire : ne pas oublier le passé, le silence des morts du
génocide, pour construire le futur.
C’est cela aussi le message que nous
devons hériter de Madame Veil.
Tu portes cette étoile jaune
Qui te conduit jusqu’à l’enfer
Les fétus de peur tourbillonnent
Autour des fours à ciel ouvert
Et sur ton bras le tatouage
Indélébiles cruautés
La mort des tiens en héritage
Les cendres vives en tes pensées
Par-dessus tout la vie reprend
Sur le brûlis de ta jeunesse
Dans le printemps des étudiants
D’un après-guerre plein de promesses
Magistrature et politique
De jolies portes t’ouvriront
Au sommet de la République
Tombent en chœur les échelons.
Le Corrézien met sa confiance
Dans tes énergies de combat
Tu affronteras la défiance
Les quolibets et les crachats
Pour avoir porté l’IVG
Sur les travées du Parlement
Au nom des femmes abandonnées
On t’agonit de jugements
Comment leur dire qu’avortement
Souvent pour femme n’est que souffrance
Le dramatique arrachement
Sous clandestinité d’errance ?
Comment leur dire qu’euthanasie
En leur bouche m’est insupportable ?
Mon corps souffrit des feux nazis
Ma mémoire vit d’abominable !
L’horizon ouvert à l’Europe
Tu présides son Parlement
Loin de ceux qui te crient « Salope »
Mais sans pouvoir assurément…
Le beau bateau navigue à vide
Le grand pouvoir est pour demain
Maastricht viendra, plus tard, en guide
Tu auras quitté les marins
Tu reviendras sous Balladur
Te pencher sur notre santé
Juste un passage, une aventure
Dans le pli de ta destinée.
Le Conseil Constitutionnel
Consacrera ton ascension
D’une montagne au cœur rebelle
A l’oubli ou aux révisions.
Pour la mémoire de la Shoah
Pour ne pas oublier les morts
Tous ces fantômes, tous ces convois
Leurs souvenirs qui te dévorent
Le sang séché des condamnés
Les cendres noires sous la Coupole
Ce nombre inscrit sur ton épée
En crépuscule de nécropole
Repose en paix, dame Simone
Loin de ceux qui t’abhorrent encore
Dans l’anathème monotone
Qui envenime leur décor
Repose en paix, dans ce silence
Au bout d’un long combat de femme
Essaimé de persévérance
Qu’attisent les brûlures de l’âme…
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