Jean Rochefort, le dandy du 7 ème art à l'éternelle moustache, vient de nous quitter. Je ne pouvais que rendre hommage à cet homme facétieux.
Jean Rochefort
n’y est pas né ! La ville qu’a rendue célèbre Jacques Demy n’a pas influé
sur le destin du comédien. L’homme est né à Paris, le 29 avril 1930, tout
simplement, dans le 20ème. Son père se nomme Célestin et travaille
dans le pétrole qui véhicule l’huile et les roches fore. Jean ne la voit pas
comme ça sa vie, pas d’attaché case quand il était petit. Il rêve de comédie.
Au grand dam de son paternel, il fait son apprentissage au Centre d’art
dramatique puis au Conservatoire où il rencontre ses futurs collègues
(Belmondo, Marielle, Rich…).
Sa carrière
débute vraiment en 1956 avec Rencontre à Paris de Georges Lampin (avec Robert
Lamoureux). Mais l’acteur se sent plutôt attiré par des films 2kpdp ou
historiques (l’attrait du costume) et jouera les spadassins ou les seconds couteaux dans Le capitaine
fracasse (1961 – Gaspard-Huit), Cartouche (1961 – Philippe de Broca avec son
ami Belmondo) et même dans la série des Angéliques ce pour quoi il a fallu
l’heure « Mercier ».
C’est dans les
années 70 que l’acteur se dit « j’enroche fort » tellement il
fortifie de pierres blanches le pont qui enjambe l’insuccès. Il développe un
souffle comique nappé de sérénité gracieuse dans des films comme Un éléphant ça trompe énormément (d’Yves Robert – 1976) ou encore Le Grand Blond avec une chaussure noire
(toujours de Y. Robert – 1972). Ces années de révélation nous le montrent
moustachu. Jean adopte cet attribut qu’il ne quittera qu’une fois, quand il
tournera le film Ridicule (de Patrice Leconte – 1996). Effectivement l’absence
de l’indispensable le rend ridicule et lui fait dire : cent pas trissent
le conte, t’émoussent ; t’as chu !
Avec cet apparat
l’homme peut davantage joueur le flegme naturel, l’humour délicieux mais
néanmoins élégamment caustique. Une vraie marque de fabrique ! Il ose
jouer tous les rôles avec le même bonheur, le même zèle impertinent que lui
insuffle une muse espiègle. Une muse qu’il sollicite souvent pour sauter dans
la grâce burlesque. C’est le fameux « aide-moi zèle ! » de
Rochefort qui se concrétise par un saut
angélique (nous y revoilà), tout de grâce burlesque ! Ah, ces sauts :
l’ange est d’ailes fines ! (Assez ! Solange et Delphine !). On
le voit notamment dans le film de l’éléphant sus nommé où le héros saute d’un
appartement et prend tout son temps tandis que l’attendent les pompiers et le
cercle de réception !
Il atteint le
sommet en décrochant deux jolies récompenses :
En 1976, il
reçoit le césar du Meilleur second rôle pour Que la fête commence
(de Bertrand Tavernier – avec Philippe Noiret). Il interprète l’abbé Dubois,
premier ministre du régent, le Duc d’Orléans, à l’époque où Louis XV était
encore mineur. Heureux semble Jean dans l’abbé-attitude.
En 1977, il
obtient le césar du Meilleur rôle pour Le Crabe tambour, un film de
Schoendoerffer où l’on peut apprécier, également, le talent de Claude Rich
disparu récemment (le 20/07/2017). Là il incarne un
commandant d’escorteur, capitaine de vaisseau qui se remémore les ans bruns
sans que ça puisse faire marée…
Jean aurait pu
continuer à se faire remarquer dans des films riches, graves, pourvoyeurs de
réflexions métaphysiques mais il aime trop la fantaisie et son coté fantasque
le fera jouer dans des œuvres triviales :
-
Je ne me prends pas au sérieux et je fais dans
l’alimentaire, enfin celui de mon cheval, lance-t-il comme une boutade bien
pesée.
Car Rochefort
est un cavalier émérite. Il consacre beaucoup de temps à soigner et monter ses
destriers, ses fesses unies vers selle ; sur la monture il ressent le
bonheur ; heureux l’être y est ! Avec une telle zoothérapie qu’il
mène à bon trot on ne le verra jamais débris d’abattu.
Il est tellement
prêt à tout pour ramener l’avoine qu’il s’engage dans un Don Quichotte, un film
avorté que prétendait achever Terry Gilliam (octobre 2000) mais qui finira en documentaire !
Il n’empêche,
Jean continue dans le 7ème art et, comme la passion équestre le
séquestre il pousse le vice à commenter les épreuves chevalines des JO de
2004 !
En 2015, trois
ans après L'Artiste et son modèle (film de Fernando Trueba avec notamment Claudia Cardinale),
Jean Rochefort revient au cinéma. Dans Floride de
Philippe Le Guay. L’acteur interprète Claude Lherminier, un chef d'entreprise
frappé par Alzheimer et qui se fait un sang royal (l’hermine y est !). Un
rôle terrible qui le renvoie à sa propre mort, qu’il sent imminente…
Effectivement,
après un ultime sursaut médiatique qui le voit transformé en président du 26e
festival du film britannique de Dinard (septembre 2015), la camarde le rattrape.
Il meurt le 9
octobre 2017 en laissant à notre patrimoine culturel quelque 120 films, de
factures inégales, certes, mais qui nous rappelleront toujours son jeu
d’acteur, entre flegmatisme et tendresse malicieuse.
Un grand
Monsieur bien aimé de tous vient de nous quitter.
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