C’est le 9 octobre 1947 que naît à Paris, Isabelle Geneviève
Marie Anne GALL qui se fera connaître
sous le nom de France-Gall pour faire un clin d’œil à une rencontre du tournoi
des cinq nations durant laquelle un coq se bat contre le poireau, sans qu’aucun
des deux n’ergote ou ne poireaute.
A l’image d’Obélix qui est plongé petit dans le chaudron de potion magique, France baigne dans la musique, dès son enfance. Son père est Robert GALL (RG mais à ne pas confondre avec le père de Tintin). Il est chanteur et auteur mais, musicalement, il ne joue pas de scie, Gall. Sa plume est brillante. Il écrit notamment « la Mamma » pour Charles Aznavour. Du côté maternel, France est gâtée aussi. Cécile Berthier, sa mère, n’est autre que la fille de Paul Berthier, cofondateur des petits chanteurs à la gueule de bois, mais également nièce de Jacques Berthier, compositeur et organiste.
Toutes les bonnes fées musicales se penchent donc sur son
berceau et de brillants trouvères sont invités par ses parents : Hugues
Aufray, Claude Nougaro, Gilbert Bécaud…
Avec une méthode à 6000 (partitions) et une grande
facilité, Isabelle (oui elle s’appelle encore Isabelle) commence le piano à 5 ans. Puis la guitare la
démange, alors elle gratte un p’tit peu.
Avec ce petit bagage musical elle rejoint ses frères jumeaux
pour former un groupe « les martin-gall » car les deux frangins sont
baryton martin. La formation fait son petit bonhomme de chemin de Gall-à-pas gosses...
En 1963, elle enregistre ses premiers titres sous l’impulsion
de son père, qui remettra les enregistrements à Denis BOURGEOIS, éditeur de
musique. Et Bourgeois, gentilhomme, qui la trouvait très molle hier, jugera
qu’elle a beaucoup plus d’entrain.
Rapidement France est appelée à auditionner au Théâtre des Champs-Elysées, et signe alors un contrat chez Philips qui ne trouve pas rasoir sa musique. Hélas, c’est à ce moment-là qu’elle se voit acculée d’abandonner son prénom, à cause d’une certaine Isabelle Aubret :
De ce prénom j’en fais
ras, tant pis, je prends donc le pseudo de France Gall !
Le 9 Octobre 1963, le jour de ses 16 ans,
France entend pour la première fois une de ses chansons à la radio. C’est
« ne soit pas si bête », un tube pour les idiots qui, bien ancré,
tint.
Denis BOURGEOIS a la chance de veiller à la carrière de
Gainsbourg. Aussi, demande-t-il à l’homme à la tête de chou d’écrire quelques
feuilles, aux petits oignons, pour France. Ainsi naîtra, entre autres, "N'écoute
pas les idoles" qui se place en tête du hit-parade du mois de mars 1964 et
qui énerve Johnny, notamment lorsque l’idole déjeune.
L’époque est aux artistes qui pillent allègrement dans le
répertoire américain ! Johnny va revisiter le pénitencier des animaux (The
animals) et Cloclo utilise le marteau (pas la faucille) des Weavers.
France, elle, souhaite chanter des titres originaux et, pour
ce faire, s’entoure de brillants paroliers : Gérard Bourgeois, Pierre
Cour, Joe Dassin, Pierre Delanoë, Alain Goraguer et même Guy Magenta qui verra
rouge en écrivant « on t’avait prévenue »
On l’avait prévenue, mais de quoi ? Qu’elle serait
sélectionnée pour représenter le Luxembourg, ce paradis fiscal, pour le grand
prix de l’Eurovision ! Attention aux conflits d’intérêt. C’est encore
Serge qui s’y colle en pondant une « poupée de cire » (nullement
enregistré dans les studio de l’abeille-rôde), quelque peu controversée, et qui
permettra à France de remporter le grand prix (1965). La chanteuse décroche le gros lot en dépit d'une prestation moyenne au gré d'un filet de voix mal posé dont la justesse laisse à désirer. Par la suite, France gagnera en exactitude, en souffle, en maîtrise de ses cordes mélodieusement vocales.
L’année suivante, l’homme qui ne souhaite pas que gains
s’barrent, sort un nouveau tube pour la
blonde candide « Baby pop », initialement prévu « Bée bis
pope » et qui aurait dû évoquer un religieux orthodoxe entrain de bayer
aux corneilles mais, là, franchement, c’eût été peu vendeur. Dans la foulée, le
cynique personnage sort « les sucettes » une chanson à double sens
que la plus que jamais innocente interprète comprendra comme une gentille ballade
évoquant une jeune femme, Annie, qui aime les sucettes…à l’anis. France se
rendra compte, mais trop tard, que Serge lui avait fait interpréter une œuvre
plus qu’ambiguë.
En 1968, alors que les pavés volent bas, France a quitté
Serge et enregistre des titres qui n’iront pas à la poste hériter du
sésame de longévité. Cette année-là, elle devient majeure et décide de ne pas
renouveler le contrat avec Philips. Elle signe avec La compagnie, une nouvelle
maison de disques fondée par des artistes comme Hugues aux frais de gestion,
Nicole croise-îles pour rester dans la nouvelle vague et Michel Colombier qui
laisse les piges aux niais et préfère la chanson française.
Cet attelage ne fonctionnera pas bien. Et le désert avance…
Finalement, la révélation aura lieu en 1973 ! France
entend Michel Berger à la radio. C’est comme un coup de foudre radiophonique.
Ce qu’il chante c’est
exactement ce que je ressens, dit France, on dirait
que c’est moi ! Oui, c’est vraiment moi, ça se sent, ça se sent, ça se
sent que c’est moi !
France veut connaître ce Berger qui progresse sans mous tons.
Les deux chanteurs se rencontrent lors d’une émission de radio. France demande
à Michel :
J’aimerais avoir ton
avis sur les chansons que mon producteur voudrait me faire interpréter.
Devant la moue ineffable de Michel, France comprend que
« ça va pas l’faire ». Le bon Berger propose alors d’écrire pour
celle qui sera sa future femme.
C’est ainsi
que naît en 1974 « La déclaration d'amour", premier succès d'une
longue liste. La carrière de la chanteuse sort d’une longue léthargie et prend
un nouvel essor.
En 1976, Michel BERGER écrit une comédie musicale inspirée de La petite sirène, dont l’héroïne est, comme il se doit, France Gall.
En 1976, Michel BERGER écrit une comédie musicale inspirée de La petite sirène, dont l’héroïne est, comme il se doit, France Gall.
Les deux tourtereaux révèlent, à cette occasion, le duo
mythique "Ça balance pas mal à Paris" qui n’a rien à voir avec la
vague de délations que connut la capitale durant les heures sombres de
l’occupation.
Un couple
est formé. Le mariage est consacré et donnera naissance à Pauline Isabelle le 14 novembre 1978 et à Raphaël Michel le 2 avril 1981, en plein tontonmania.
L’année suivante, France accepte le rôle de Cristal (sans hash) dans l'opéra rock Starmania. Cette œuvre est, bien sûr, composée par son mari et écrit par le québécois Luc Plamondon qui, compte tenu du succès du spectacle, dira :
L’année suivante, France accepte le rôle de Cristal (sans hash) dans l'opéra rock Starmania. Cette œuvre est, bien sûr, composée par son mari et écrit par le québécois Luc Plamondon qui, compte tenu du succès du spectacle, dira :
Il n’est pas si plat
mon don !
En 1982, France se donne entièrement, elle donne "Tout
pour la musique", et se produit au Palais des Spores de Paris (elle a par
ses chants pignon sur rue). C’est un ravissement sur une scène électrisée que
nourrissent des titres comme « Résiste" et "Il jouait du piano Debout", évoquant, même si c’est un
détail pour vous, l’inclination touchant le compagnon de Chantal Goya, à ne pas s’asseoir
quand il est au clavier.
Mais, bien au-delà de la musique, c’est sur le terrain humanitaire que le couple va se distinguer. Durant les années 80, France et Michel filent en tropiques pour mener des combats du même nom.
Ces implications n’empiètent pas sur la carrière solo de France, puisqu’elle se trouve au Zénith de Paris ! Elle y interprète des titres comme « Débranche », chanson avant-gardiste traitant de la nécessité de ne pas gaspiller l’énergie électrique, ou encore « Cézanne peint » en hommage au roi du pinceau de la Sainte Victoire.
En 1987, la gorge un peu nouée, France chantera l'émouvant
"Évidemment" en hommage à Daniel
Balavoine, l’ami disparu un an plus tôt dans un Paris-Dakar meurtrier. La vie
ne sera plus comme avant…
Suite à cette disparition, France décide de prendre du
recul. Elle ne reviendra en studio que si la démarche débouche sur un album
avec Michel. Le projet aboutira. En 1992 sort l’album « double jeu »,
prometteur et annonciateur de futurs concerts.
Hélas, la camarde qui n’a jamais pardonné à Brassens de lui
avoir semé des fleurs dans les trous de son nez, va poursuivre d’un zèle
imbécile le pauvre Berger, qui trépassera d’une crise cardiaque, le 2 août
1992.
C’est un déchirement pour France. Elle perd brutalement
l’amour de sa vie, son compagnon de musique, son génie créateur, le père de ses
enfants.
Elle entame alors une retraite de la vie artistique juste
entrecoupée de quelques passages à Bercy (1993) ou à l’Olympia (1996).
La mort de sa fille, le 15 décembre 1997, d’une
mucoviscidose, ne fait qu’altérer davantage sa santé, déjà bien émoussée par un
cancer qu’elle traîne depuis 1993.
Trop faible pour assister aux obsèques de Johnny, elle finira
par rejoindre le rocker dans le paradis blanc, ce 7 janvier 2018, à l’âge de 70
ans.
France nous laisse l’image d’une jeune femme
joyeuse et combative, le cœur sur la main. Sortie comme un produit de lessive à
l’époque du yéyé flamboyant, elle aura su trouver sa véritable place dans le
panthéon de la chanson française, à la faveur d’une lumineuse rencontre avec
Michel, l’homme de sa vie qui savait chanter en elle et faire vibrer les mots
qu’elle pensait si fort.
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