Le grand Satan iranien
n’a jamais vraiment quitté les marais obsessionnels des conservateurs
américains. Des enfants de l’Oncle Sam ressassent encore la chute du Shah, le
protégé de la bannière étoilée, par le régime des ayatollahs (1979). Une
certaine Amérique rumine toujours sa vengeance contre ceux qui, en 1983, ont
supprimé 241 marines lors d’un attentat à Beyrouth.
Alors, quand,
unilatéralement, Trump décide de déchirer l’accord sur le nucléaire iranien, il
ne fait que respecter une promesse de campagne, chère à son électorat
conservateur et fait bondir de joie son nouveau conseiller à la sécurité, un
certain John Bolton, âme grise prônant la mort du « régime des
mollahs » depuis le 11 septembre.
Le lobby juif applaudit discrètement mais
l’écho de la victoire vibre jusqu’en Israël, où Netanyahu se félicite d’une
décision qui porte le discrédit sur le régime de Téhéran, soupçonné de ne pas
respecter un accord et de faire tourner des centrifugeuses clandestinement tout
en maintenant un programme de missiles balistiques (non pris en compte par
l’accord).
Cette réjouissance des faucons hébraïques
se marie, étonnamment, avec celle des ennemis arabes : les
Saoudiens ! L’Arabie Saoudite, gardienne du temple islamique et
profondément sunnite, n’a jamais caché son aversion pour l’Iran chiite et sa
volonté d’hégémonisme au Proche-Orient. Le prince héritier, Mohamed Ben Salmane
ne peut que se féliciter de voir son allié américain tailler des croupières
dans le régime de Téhéran !
Mais de quel régime parle-t-on ?
Persépolis ne peut plus prétendre s’épanouir de noblesse par les velléités
sirupeuses et démocratiques d’un Rohani, jugé modéré par les démocraties
occidentales. Le Président iranien, signataire des accords sur le nucléaire,
s’est toujours vu reprocher une décision, dictée sous l’impulsion d’Obama, par
les gardiens de la révolution. Ces derniers, groupés autour de l’ayatollah Ali
Khamenei, se féliciteraient presque de voir l’accord mourir de sa belle mort.
Ils ont toujours estimé Hassan Rohani comme une colombe trop modérée, volant de
ses ailes molles vers un compromis dicté par le grand noir, prix Nobel de la
Paix !
Les conséquences ne sont pas moindres pour
les autres pays signataires de l’accord. Elles se vêtent d’oripeaux
économiques : le risque de ne plus pouvoir commerce avec l’Iran ! En
dénonçant l’accord, Trump a choisi une version radicale : interdire de
nouveau à toute société traitant avec Téhéran de faire des affaires avec les
USA. Aussi, Airbus n’est plus aussi certain de pouvoir vendre 100 Airbus (19
milliards de dollars) à l’Iran et Total peut légitimement se poser des
questions sur la faisabilité d’exploiter un champ gazier South Pars 11 !
Elles se drapent aussi dans des tissus
d’hypothèses géostratégiques. Pour ne citer que deux préoccupations :
- L’accord dénoncé, on
peut supposer que Téhéran va relancer au plus vite son programme nucléaire
militaire en commençant par réassembler les centrifugeuses et les activent
diligemment au sein d’un bunker dissimulé dans les profondeurs de la terre. La
menace atomique pourrait ressurgir, faisant trembler Israël et redistribuant
les rapports de force au Proche-Orient !
- La milice chiite
pro-iranienne qui vient de remporter les élections législatives au Liban
pourrait sauter sur cette opportunité et sur le retrait unilatéral américain pour
attaquer le nord d'Israël, aidé en cela par le Hezbollah, bras armé de l’Iran
chiite !
On pourrait caresser
l’espoir que Donald Trump se ravise, qu’il admette avoir sous estimé les
conséquences de son choix !
Mais le comportement
de l’ogre de la Maison Blanche n’est pas pour nous rassurer. L’homme reste
droit dans ses bottes et s’imagine déjà traiter avec Rohani comme il va bientôt
le faire avec Kim Jong Un, le Coréen : frapper fort, verbalement, pour
intimider l’adversaire et finir par l’emmener à fumer le calumet de la
paix !
Mais la situation est
différente. La Corée du Nord, hermétique, a développé un programme nucléaire
sans l’avis de quiconque ! Le dictateur de Pyongyang n’a pas eu à signer
d’accord avec l’Occident mettant sous surveillance ses ambitions militaires !
Le régime des
Ayatollah, lui, se voit traiter de menteur ou, pour le moins, de procureur de doutes
dans l’esprit ombrageux de Mr Trump. Le patron des USA jette ainsi l’opprobre
sur la confiance que portait son prédécesseur aux bonnes volontés de Téhéran en
matière d’abandon de l’arme atomique.
Le coup de tonnerre de
Mr Trump s’est déjà accompagné de frictions entre Israël et l’Iran. Tel-Aviv a
pris prétexte de tirs sur le Golan, par les soldats de Téhéran, pour mener une vaste opération contre les
forces iraniennes en Syrie.
L’escalade est
toujours possible même si Rohani, la colombe iranienne sous surveillance des
Mollahs, vient de confirmer à son homologue français, notre Jupiter national,
qu’il « ferait tout pour rester dans l’accord ».
Mais cet accord
pourra-t-il survivre sans les USA ? Comment les Européens pourront-ils
continuer à aider économiquement l’Iran si ce dernier, sincèrement, s’engage à ôter
durablement le spectre de l’arme atomique ?
L’ombrageux patenté dans sa veste martiale
Sous bannière étoilée a suivi le dédale
Qui le mena tout droit au sommet de l’errance
Sur le toit des Nations pris dans ses manigances.
A prêter à la Perse les dons de fourberie
A replacer la herse au pied du pont levis
Le petit Président qui se prend pour le roi
Vient de plonger la Terre dans le feu de l’émoi
Dénoncer un accord fait danser les démons
Des confiances blessées, des sombres vexations
A jeter le soupçon sur les fragiles voies
D’écoute à petits bons on nourrit mille effrois !
Téhéran n’y verra qu’une insulte suprême
Attisée par le vent de Sion. L’anathème
Insufflera l’envie de raviver le feu
D’auréoler la bombe en fatras
religieux.
Blessée dans son honneur une Perse chiite
Bombera sa fierté en traits de dynamite
Le brasier vit, latent, sous les choix compulsifs
D’un ténébreux géant au dépit maladif.
Pour des voix resurgies de profondes rancœurs
Pour bercer d’illusions le candide électeur
Le mal intronisé joue l’apprenti sorcier
Dans les cases inconnues du trop grand échiquier.
Les vautours iraniens lorgnent Jérusalem
En rapaces guerriers qu’une haine suprême
Aiguillonnent le soir, où se meurt la colombe.
Rohani, modéré, pleure déjà en sa tombe.
Le pari d’Obama gît comme un parchemin
Sur le bord poussiéreux d’un sinistre chemin
Que martèlent en chœur de cinglants bruits de bottes.
Le chaudron se noircit et la soupe mijote.
Un pavé dans l’étang et les ondes grimacent
Déformant le miroir où quelque état de grâce
Se rêvait, narcissique, en belle incarnation
D’une trêve alanguie au concert des Nations.
Un accord piétiné comme un carré d’orties
Sous les doigts du piteux frappé d’impérities
L’équilibre ténu d’une paix funambule
Tremblote dans le vent où les peurs se cumulent…
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