On s'y attendait mais l'actualité brûlante nous avait momentanément écartés de son lieu de coma. On s'y attendait mais tant d'événements couvraient de leur priorité les derniers souffles du héros africain.
Voilà ! Le vieux lion vient de mourir à l'âge de 95 ans alors qu'à quelques kilomètres au nord de son pays une nouvelle tragédie déroule ses abjectes péripéties en cœur de la Centrafrique.
Mandela vient de mourir à son domicile de Johannesburg et emporte avec lui le mystère insondable d'une humanité qui s'approchait de Dieu sans jamais revêtir l'habit du saint.
Nelson Mandela vient de s'éteindre et les hommages se multiplient. On sort (enfin) le panégyrique qui dormait dans un dossier de presse. L'Afrique du Sud le pleure et l'humanité l'accompagne dans ce douloureux cortège des cœurs si longtemps adoucis par l'exemplarité d'un être hors du commun.
Mandela d'abord combattant et convaincu de sa force puis jeté dans la fosse de l'oubli durant de longues années. Un homme que la détention ne fera pas courber mais au contraire relever jusqu'à l'insolence de la conviction et d'une idée visionnaire : unifier son pays et briser l'abjection de l'Apartheid, ce système basé sur la ségrégation raciale et qui donne à une minorité blanche ce qu'il refuse à une majorité noire.
Le vieux combattant de l'ombre brise ses chaînes et déclenche l'admiration de ses geôliers. Il aurait pu sortir de son cloaque en ange vengeur, assoiffé de ressentiment ! Il a choisi la voix de la sagesse, celle d'un Gandhi, d'un Luther King ! La non violence ne s'imposait pas d'office, il la cultiva lentement, elle l'a apprivoisé. Madiba (comme on le nomme) fera des 28 ans de prison (de 1962 à 1990) une longue période de fiançailles avec la recherche du pardon et la quête de l'abnégation.
Le pouvoir des blancs commence à fléchir sur son piédestal et la levée d'écrou s'accompagnera de longues négociations avec l'ex prisonnier nimbé d'une auréole internationale.
La suite tout le monde la connaît. Président en 1994 à la suite d'élections ouvertes à tous, Mandela fera tout pour que les Blancs restent au pays afin de conserver leur savoir faire. Il négociera encore, s'accommodera de compromis pour gagner la paix civile, embellira le ghetto de Soweto, se fera acclamer sur le mythique terrain de rugby qui verra les Springbocks gagner la coupe du Monde de 1995 (voir ou revoir Invictus de Clint Eastwood). Prix Nobel de la Paix en 1993 (avec le Président sud africain de l'époque, Frédérik De Klerk) il véhiculera une guirlande de valeurs humanitaires dont beaucoup se réclameront.
Avec lui meurt un digne défenseur des droits de l'homme, du respect d'autrui et de la lutte contre tout ce qui divise les hommes. Dans son sourire inextinguible rayonnait une bonté empreinte d'une inflexible volonté.
Mais déjà l'Afrique du Sud doit se projeter au delà du deuil. L'avenir devra se construire sans le vieux lion mais en conservant son éthique. Les travaux ne manqueront pas et, en priorité, la lutte contre les attaques violentes et xénophobes qui se sont abattues, ces derniers jours, sur plusieurs quartiers de Johannesburg, contre des travailleurs immigrés attirés par le miracle sud africain...
Le vieux lion est mort ; sa
crinière argentée
Qui jadis évita la tonsure
carcérale
L'emmène dans sa tombe en ce
jour sépulcral
Repeint d'humanité en mille
mélopées.
Soweto dévêtu de ses vieux
oripeaux
De bois morts et de taule
chante l'être béni
Une icône s'envole ; elle a
changé la vie
Le bonheur d'être humain vous radoucit la peau.
Le vieux lion s'en va en
gracieuses fatigues
Porté par les années de
splendides combats
Un sourire guerrier façonné
dans l'éclat
D'utopies visionnaires à saborder
les digues.
Prétoria chatoyante, oiseau
lyre éploré
Danse depuis longtemps cette
agonie latente
Le vieux lion mourait en sa
lune apaisante
Dont le croissant serein ne
cessait d'éclairer.
Une icône s'éteint en son
âtre charnel
Mais réchauffe à jamais la
conscience du temps
L'héritage est marqué d'un
émerveillement
Chemins réconciliés loin de
vides querelles.
Ségrégation grinçant de
désagrégation
Blancs et noirs unifiés par
la passion ovale
Vers le même avenir de
langueurs amicales
Il fallut au géant des flots
d'abnégation.
Rejeter la rancœur, pardonner
aux bourreaux
Dessiner l'avenir de ses
rêves humanistes
Révéler aux chimères leur substrat réaliste
Réconcilier des fruits nés de
mille terreaux.
Le vieux lion s'en va ;
larmoie le Monde entier
Le meilleur de l'humain se
nichait en son cœur
Inoxydable foi, inflexible
douceur
Contagieuse clémence, ferment
de liberté.
Une fleur a grandi en ce Sud africain
Son parfum désarmant peut
embaumer l'aurore
Qu'elle enivre d'amour des
cœurs qui se dévorent
Qu'elle bourgeonne à jamais
sur les plus gris chemins.
Le vieux lion s'en va, clamé
dans son sillage
Par l'orphelin forçat aux
plus nobles projets
Tout en son souvenir devra
naître et durer
Pour ne plus s'échouer sur d'ignobles
rivages…
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