D’actes en actes, de samedi en samedi, la pièce des gilets jaunes
se programme dans toute la France avec les mêmes comédiens, tout de jaune
vêtus, les mêmes slogans réducteurs et cette violence dans le scénario, assumés
par les uns, condamnés du bout des lèvres par les autres.
Le phénomène s’est déclenché au paroxysme d’une colère qui rampait
depuis plus de 30 ans. Les Français indigents, travailleurs pauvres, retraités
impécunieux, ont vu comme une petite goutte qui faisait déborder le vase la taxe
sur les carburants qui leur échoyait.
C’était pourtant une taxe empreinte de bonne volonté :
limiter la consommation d’essence et de gas-oil en rendant les carburants plus
chers. Le gouvernement tenait à cette taxe écologique mais il dut y renoncer.
Entretemps, les ronds-points devinrent des lieux de blocage sous les lueurs d’un
brasero et Paris s’enflamma à coups de rixe, d’échauffourées avec les forces de
police, de dégradations des édifices publics et de déprédation du commerce.
Plus de 30 ans d’incurie, de non-assistance à une population en
souffrance et c’est le jeune Macron qui tire les marrons du feu de la colère.
Les voix s’élèvent : Macron démission ! Les médias grossissent le
phénomène en reprenant, en boucle, les
scènes d’émeute. Les réseaux sociaux s’enflamment, vilipendant le gouvernement sans
ambages : grossièretés, thèses complotistes, accusations éhontées. La
colère est mauvaise conseillère, axiome qui n’est plus à vérifier.
Le gouvernement a lâché du lest, opéré un rétro pédalage. Il n’est
plus question de taxes sur les carburants et tout sera mis en œuvre pour
augmenter le pouvoir d’achat des uns et des autres : suppression de la CSG
sur les petites retraites, heures supplémentaires défiscalisées, primes de fin
d’année aux salariés dont les patrons se montreront généreux…
En dépit de ces mesures la colère persiste. Les gilets jaunes
disent qu’ils ne lâcheront rien. Mais qu’est-ce que ce rien ? Que
veulent-ils ? Les revendications semblent tellement disparates ; l’ire
est protéiforme !
Ils évoquent l’instauration d’un RIC (Référendum d’Initiative
Citoyenne). Mais comment l’organiser ? Quelles questions prioritaires
pourraient être posées et qui aient comme réponse oui ou non ?
Énervés par les petites phrases arrogantes de Macron, excédés par
leurs conditions de vie, les GJ, qui se disent le Peuple, continuent à
déambuler dans leurs chimères en attendant un grand soir hypothétique. L’aveuglement
de leurs colères les mène dans la brume des espérances inaccessibles.
Il risque même de mener à une forme d’anarchie, de délitement des
forces économiques (certains commerces risquent de mettre la clé sous le
paillasson) et de récupération par les mouvements les plus extrémistes.
Aussi, ai-je imaginé un stage de formation pour remettre un peu de
sagesse dans cette colère exprimée.
Il avait réussi son stage de gilets jaunes
Financé sans compter par le bon Pôle Emploi
Il savait désormais se contrôler à l’aune
Des règlements, décrets et d’immuables lois.
On lui avait appris quelques jolies manières
Ne pas voir le rond-point comme une barricade
S’empêcher d’entraver l’activité routière
Par des comportements effleurant la bravade.
On avait inculqué dans son petit cerveau
Que la dégradation des radars amenait
Des flots de déviances et des maîtres Fanjio
Dont la vitesse folle pourrait assassiner.
Il s’était fait briefer sur les obligations
Qui fomentent en secret toute la bienséance
Prévenir le Préfet des manifestations
Condamner de claire voix toutes les violences
Quelques cours consacrés à la Constitution
Éveillèrent son esprit jusqu’alors teint de noir
Le Président français choit dans la démission
Qu’en cas de manquement à ses nombreux devoirs.
On l’éduqua aussi à dessein de le voir
Appréhender au mieux les grands réseaux sociaux
Ne plus jamais en faire d’immondes dévidoirs
D’homophobie, de sexe, ou racistes propos.
Il obtint des leçons de bons comportements
Ne pas boxer l’agent quand bien même il tient tête
Il assure son rôle ; de paix il est garant !
Et qui sème le vent récolte la tempête
La remise à niveau du champ orthographique
Les longs entraînements à l’expression orale
Devaient dorénavant, sans le rendre emphatique,
Lui donner de l’aisance
pour parler au journal.
On le verrait bientôt causer avec aisance
Au fil des arguments sur un plateau-télé
Heureux de s’exprimer devant toute la France
Sans haine ni rancœur, sa belle âme apaisée.
Il avait réussi son stage de gilets jaunes
Financé sans compter par le bon Pôle Emploi
Il pouvait s’orienter au milieu de la faune
Traverser une rue pour un métier de choix.
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