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mardi 8 janvier 2019

SI QUESNAY M ' ÉTAIT CONTÉ (voire COMPTÉ)




C’est près de Montford-l’Amaury qu’est né Quesnay, en 1694. Ses parents l’appellent François en hommage à Rabelais qui les faisait rire, tandis qu’ils auraient pu pleurer en voyant, hagards, gamelles qui chantaient la maigre pitance. Le père de François n’est qu’un pauvre laboureur toujours en des prêts-sillons, avances sur trésorerie agraire bien répandue à l’époque.

De cette dépendance à l’argent naîtra la curiosité pour l’économie. Mais c’est une progression lente. L’homme passe par des méandres ineffables ! Y naît fable humaine que je vous conte de ce pas.


En 1711, il entre en apprentissage pour cinq ans chez un graveur parisien mais sans décrocher le moindre CAP. Son père jugeant qu’il a son cas aggravé l’inscrit à l'université et au collège de chirurgie de Saint-Côme même si, à l’époque, bien plus que guérir St Côme enterre (saints commentaires ?)

-       A défaut de te faire aux burins, je te propose te mettre aux beaux reins, voire aux malades. Ici, tu auras tous loisirs pour observer les foies de morts eus par la cirrhose si noire. Tu seras paré, comme Ambroise, pour disséquer dix sections de poumon, les yeux fermés. Tu seras à même d’opérer cinq hommes, en même temps.

Et le goût du billard a du bon : les études boulent les dernières quilles de résistance et il fait son trou dans la chirurgie. En 1718 il devient maître dans la communauté des chirurgiens de Paris. Mais, déjà, sa carrière de praticien de base le lasse. Il veut grimper.

En 1723, il devient chirurgien royal et entre au service du Duc de Villeroy en 1734. Villeroy ébauche pour lui des projets auquel il devait se lier (pour céramique) mais il refuse l’offre et, en 1744, se fait décerner le grade de docteur en médecine. Un bien joli titre qui le propulse médecin de Mme de Pompadour en 1749 ! Jeanne-Antoinette, née Poisson, aime ce docteur aux réparties ad hoc, d’un bon ton, en mettant le défaitisme à la raie.

François lui avoue être physiocrate, c’est-à-dire un économiste qui prône l’idée simple « seule l’agriculture donne la richesse à un pays. Il faut donc prendre soin de la terre ! ». 

-         Vous allez devenir économiste et me laisser tomber, s’afflige la noble dame ?

-     Que nenni Madame, j’ai déjà tant publié pour la médecine, enseigné l’art de guérir à en saigner, celui d’éradiquer la gangrène en dépit de l’opposition de gangs rennais qui voulaient l’étouffer, et souffrez Madame que je vous présente mon traité sur les fièvres continues !


-      Très intéressant ! Je le lirai quand j’aurai du temps ! Mais parlez-moi encore des physiocrates !

Et François évoque sa rencontre avec le Marquis de Mirabeau.  Tous deux réfléchissent sur ce qui fait la richesse d’un pays. Ils ont mis sur pied un tableau économique qui met en exergue l’importance de l’agriculture. C’est un schéma qui rabote un peu (d’où le terme de mi-rabot) la complexité des échanges entre les facteurs économiques en se basant sur trois grandes classes :

1.     la classe productive, c'est la classe des fermiers (celle à laquelle appartenait son père) qui est le groupe social à l'origine de la production annuelle globale puisque l'agriculture est la source unique de la richesse. Et tandis que Louis XV aime la chasse et Louvres, le paysan la ferme !

2.     la classe des propriétaires est le groupe formé par l'aristocratie, le souverain, et le clergé qui, sans cultiver la terre, s'approprie annuellement le «produit net »  sous forme de rente ou d’impôt (taille, dime, gabelle) payés par la classe productive ;

3.     la classe stérile est représentée par tous les autres groupes, occupés à d'autres activités que celles de l'agriculture : intermittents du spectacle, péripatéticiennes, marchands de sommeil, créateurs de journaux satiriques aux pattes palmées…Il devient souvent insupportable, pour les productifs, de se faire aux stériles, austère île d’inutilité (mais pas encore ce féroce terril car l’exploitation des mines n’est pas d’actualité, à cette époque).

La Pompadour est subjuguée par tant de génie mais lui demande, quand même, quel est l’avenir de ce modèle Quesnaysien.

-       Non, pas Quesnaysien, ô Marquise, car le Keynésianisme ne naîtra que bien plus tard. C’est juste une ébauche physiocrate, une explication de notre économie par le gouvernement de la nature. Seule, la Terre apporte des richesses : il nous faut des champs donneurs, des prés verts desquels on pourra tirer impôt éthique ! Il nous faut, laiterie, ânons…

-   -  Les Trianons ! Non, le Trianon ! Il n’y en a qu’un ! Celui qu’est en train de me construire mon cher Louis XV ! Il me servira d’ailleurs de bergerie si le temps m’est donné de le voir achever.

Hélas, la belle dame mourra avant de voir l’œuvre finie. Elle s’éteint en 1764, à Versailles, sans que le médecin, devenu économiste, ne puisse trouver le remède sain ! Quesnay mourra, 10 ans plus tard, en laissant des œuvres qui feront méditer Adam Smith, Marx ou encore Léontieff, le père des matrices et tableaux d’échanges interindustriels.

Depuis Quesnay, on sait qu’une économie, comme un corps humain, peut être malade si un de ses membres bat de l’aile. Une mauvaise récolte de blé, en lien avec la sécheresse, aura une répercussion sur le prix du pain, mettra dans le pétrin le chef cuisinier, rendra croissant le problème de l’intendance à  bas prix pour les armées qu’on mène à la baguette !

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