Johan Cruyff, le Hollandais volant, celui
qui survolait de sa grâce les pelouses du ballon rond, s’est éteint, à
Barcelone, à l’âge de 68 ans, le 24 mars 2016.
Johan Cruyff, génial dribbleur, chef
d’orchestre de l’Ajax d’Amsterdam et de l’équipe des Pays-Bas aura marqué de
son art le football mondial dans les années 70.
Triple ballon d’or, il aurait gagné tous
les trophées et les sésames si la Coupe du Monde, en 1974, ne lui avait pas
échappé. Hélas, cette année-là, c’est l’Allemagne de Beckenbauer qui devait
emporter le Graal (Victoire 2-1 en finale contre les Bataves). Mais Johann
voulait-il gagner ce titre qu’il convoitait tant ? Le numéro 14, le fétiche
14, s’en prend à l’arbitre et écope d’un carton jaune. L’homme perd les pédales
et plonge, inexplicablement dans une sorte de syndrome d’échec.
En 1978, on l’attendait en Argentine pour
la Coupe du Monde suivante. Il n’y participera pas, non en raison d’une posture
politique à l’encontre des généraux qui gouvernent de mains de tortionnaires le
pays organisateur mais, on le saura plus tard, pour avoir échappé à une
tentative d’enlèvement, à son domicile barcelonais !
" J'ai eu un fusil pointé sur ma tête, j'ai été ligoté, ma femme a
aussi été ligotée, et mes enfants étaient présents dans mon appartement. Il y a
des moments où d'autres valeurs priment dans la vie. Pour jouer une Coupe du
monde, il faut être à 200%, dira-t-il sur les ondes.
Cette Coupe du Monde, son pays ne l’emportera pas plus qu’en 1974. Il chute
en finale contre le pays de Videla. L’Argentine l’emporte 3-1 et le peuple de
Buenos-Aires oublie, le temps d’une fête, le régime dictatorial, les arrestations
sommaires et les interrogatoires sanguinaires.
Cruyff devient entraîneur du FC Barcelone. La Catalogne n’est pas près de
l’oublier. Formé à l’école du football total (tout le monde attaque et tout le
monde défend) il insufflera l’esprit du combat à l’équipe catalane en
instaurant son triptyque « transmission-vitesse-inspiration ».
En 1992, il mènera son équipe jusqu’à la finale de la première Champions
League. La dream team de Johann l’emporte contre Gênes, à Wembley (1-0, but de
Koeman)
Avec Cruyff, Barcelone remportera quatre titres de champion d’Espagne
(1991, 1992, 1993 et 1994).
Mais le 18 mai 1994, Cruyff voit son équipe se déliter totalement face au
Milan AC. Un 4-0 tonitruant permet aux Italiens de l’emporter (Marcel Desailly
y participera même de son petit but !) et d’emporter la Champions League.
Ce sera le début de la fin pour Johann qui ne fera plus rien gagner à son
équipe. Il quitte son poste en 1996.
En 1997, il fonde la fondation Cruyff qui soutient les programmes de sport
pour les enfants handicapés.
Fin 2009, il accepte de devenir le nouveau sélectionneur de l’équipe de
Catalogne, équipe officieuse dont le seul mérite est d’énerver le gouvernement
espagnol dès qu’on le titille avec le mot « autonomie ».
L’homme prend autant de plaisir à coacher ses joueurs qu’à
griller cigarettes sur cigarettes. Cette fâcheuse addiction au tabac le perdra.
Pendant des années, l’homme qui terrassait les défenses compactes de ses
dribbles chaloupés et inattendus se battra avec un ennemi bien plus
redoutable : le cancer.
Le crabe finira par l’emporter, annihilant des poumons qui s’étaient si
longtemps gonflés d’air victorieux, d’odeur de victoires et de combativité.
Une légende s’est éteinte en ce 24 mars.
Mais non, une légende ne meurt jamais…
Crinière au vent, cheval fougueux
Maillot 14, captant nos yeux
Tu survolais le vert gazon
Un vent léger en tes crampons
Dribbles magiques, vive envolées
Ballon dansant au bout du pied
Génie planant sur les défenses
Fruit de menaces en permanence
Volée au prix d’une extension
Crochets mortels, déviations
Tu orchestrais en maestro
L’ultra physique concerto.
Johan, en fils de rock en roll
Sur le gazon des courses folles
Désinvolture dans chaque feinte
Magie marquée de ton empreinte
Football comblé d’engagement
Mais condamné aux grands tourments
Finale perdue, rêve brisé
L’enfant qui casse son jouet.
Entraîneur, cœur de Catalogne
La perfection à la besogne
Le Nou Camp chante tes louanges
Un grand ballet tutoie les anges.
Soudain la chute, le vol d’Icare
Milan broyant un triste soir.
Tu vois la fin se profiler
A travers l’écran de fumées
Mille volutes ensorceleuses
En scélérates ravageuses
Auront raison de ton combat
Ton dernier sur fonds de trépas
Adieu l’artiste insaisissable
Le magicien du ballon rond
Élégance indéfinissable
Adieu beau prince du gazon…
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