Il y a 15 déjà, comme
l’aurait chanté Mort Shuman…
Les deux tours
jumelles s’effondrent en ce 11 septembre 2001 et leur chute annonce l’ouverture
d’une nouvelle ère, celle du terrorisme aveugle, mondialisé et dont nul ne sait
jusqu’où iront ses aboutissements.
Avant que les symboles
de la fierté américaine ne tombent, des hommes seront tombés.
Des hommes, en chute
libre, résignés à la mort inévitable, préférant ce sacrifice au bucher
imminent.
Le photographe Richard Drew, qui couvrait pour AP
un défilé de mode à Manhattan, ce jour-là, s’est rendu sur les lieux. Il a
saisi un corps qui tombe.
Un corps filant vers
le trépas, aux mains de la gravitation, se fixe désormais dans l’immobilité
intemporelle, dans l’éternité iconographique, dans la symbolique résiliente.
Reprise dans les
journaux du monde entier, cette photographie va, cependant, vite disparaître.
Une sorte d’autocensure face à la dérangeante et nouvelle représentation du
mourant. Ici, pas de sang, pas de violence, on sort du cliché classique de la guerre.
L’homme va mourir mais
la vie bat encore dans son cœur. C’est un mort en sursis, on imagine l’impact,
on se projette dans son éphémère désespérance.
Cette photo est belle
et insoutenable à la fois.
Entre
feu de l’enfer et le grand saut de l’ange
Il a
choisi son camp dans le flot des fumées
Le
corps fuit le brasier mais l’attraction le mange
Inéluctablement,
sous les yeux médusés
L’instantané
le prend en sa froideur focale
Et de
l’apocalypse en façonne une icône
Cliché
d’avant la mort, devenu mémorial
De ce
jour engendrant le siècle qui détonne
Un
corps en chute libre devant l’orgueil blessé
Des
tours qui jumelaient l’indécence fierté
De l’argent
souverain ; avant l’effondrement
Entre
ciel et la terre, suspendu par le fil
Invisible
d’effroi, d’affres indélébiles
Ce
corps qui va mourir tient l’aura du vivant.
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